lundi 21 juin 2010

Me Frederik Karel-Canoy, défenseur de petits actionnaires de Vivendi, le 2 juin 2010 à Paris Les petits actionnaires de Vivendi veulent faire payer Jean-Marie Messier 18 juin 2010

Le procès Messier entame sa dernière ligne droite

Les plaidoiries des parties civiles du procès Messier ont commencé vendredi 18 juin. La plus attendue était celle de Vivendi. Comment le groupe de communication allait-il justifier de n'être pas sur le banc des prévenus – comme dans le procès qui s'est tenu aux Etats-Unis à la fin de l'année 2009 – mais sur celui des parties civiles ?



A un rythme de mitraillette, Me Hervé Pisani, défenseur de Vivendi, a expliqué que les successeurs de Jean-Marie Messier s'étaient portés partie civile par besoin de "faire la lumière" sur une période trouble, marquée par une "crise de confiance" majeure née de la boulimie d'acquisitions et de la mauvaise gestion de l'endettement de Jean-Marie Messier.
Résultat de cette enquête : presque rien, dit-il. Les comptes n'ont jamais été critiqués et après des années d'enquête de la Commission des opérations de Bourse, après divers jugements dont un aux Etats-Unis, il reste deux communiqués litigieux, une prévision d'endettement inexacte fin 2000 et une transaction aux Etats-Unis "qui ne nous oblige pas à reconnaître une quelconque culpabilité". Sans parler d'une chute des cours qui à"l'évidence ne résulte pas de faits répréhensibles". Habilement, Me Pisani a chargé Jean-Marie Messier sur le détail pour mieux sauver sa gestion sur le long cours. Il a ainsi longuement insisté sur le fait que Vivendi s'était fait un "honneur" de refuser les 20 millions d'indemnités réclamés par Jean-Marie Messier.
COMMUNICATION TROMPEUSE
Mais en plaidant la faiblesse des délits et par conséquent l'inconsistance des preuves sur l'ensemble des faits reprochés – à savoir communication trompeuse, manipulation de cours et délits d'initiés –, Me Pisani a surtout organisé l'innocence présente de Jean-Marie Messier, mais aussi celle de Vivendi en vue d'une demande ultérieure de dommages et intérêts.
Les autres parties civiles défendaient évidemment des thèses inverses. Me Frédéric Karel Canoy a ouvert le feu avec une plaidoirie d'une heure et demie qui a enfoncé le clou le plus évident, celui de l'endettement ingérable du groupe. Concernant les délits de fausse information, il a rappelé les décisions de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en 2004 et l'arrêt de la cour d'appel en 2009 qui ont prononcé des sanctions financières.
Concernant le préjudice subi par les petits porteurs qu'il représente, il a invoqué la "perte de chance" en la basant sur des décisions judiciaires rendues dans des affaires apparentées. Mais surtout, Me Canoy a rappelé qu'il faisait citer Vivendi en décembre prochain, estimant que le groupe est "civilement responsable" de ses anciens salariés et préposés que sont Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo.
THÈSE DE LA CONFIANCE TRAHIE
Me Philippe Valente, qui défendait une seule personne ayant perdu plus de 8 800 euros sur un total de 12 793 euros, a fait valoir que la communication générale de Vivendi en direction des petits actionnaires avait été déloyale. Son client, vivant en province, muni au mieux d'une connexion Internet sur un modem peu rapide, ne pouvait guère "naviguer" comme on le fait aujourd'hui en quête d'informations diverses et variées. Il ne pouvait se fier qu'aux communiqués envoyés à son domicile qui tentaient de le convaincre que la "société était saine" malgré un cours de plus en plus défaillant.
Cette thèse de la confiance trahie a été reprise à son tour Me Edgar Vincensini"Si une majorité de petits porteurs ont choisi de porter leur action aux Etats-Unis cela pose la question de la crédibilité des normes juridiques françaises", a-t-il dit au président du tribunal. Se basant sur les mémos échangés entre M. Hannezo, directeur financier, et Jean-Marie Messier, ex-PDG de Vivendi, il a remarqué comme les deux hommes vivaient sous la pression et dans la crainte des agences de notation. Un appel pour que les choses changent en France.
Yves Mamou

Les petits actionnaires de Vivendi veulent faire payer Jean-Marie Messier (COMPTE RENDU)


ls attendent ce moment depuis huit ans: des petits porteurs de Vivendi Universal (VU) ont demandé vendredi au tribunal correctionnel de Paris de condamner Jean-Marie Messier et ses collaborateurs à leur payer la note de la débâcle boursière du groupe.
Sans eux, le procès de "J2M" ne se serait sans doute jamais tenu. Les actionnaires du groupe de médias et communication sont à l'origine de la première plainte déposée à l'encontre de l'ancien PDG, dans la foulée de sa démission forcée en juillet 2002.
Sans eux, sans leurs avocats, les débats auraient mis les prévenus à l'abri de la moindre contestation: le parquet - dans le sillage du non-lieu requis lors de l'instruction - a annoncé qu'il ne demanderait pas de sanctions à l'encontre de M. Messier et ses six co-prévenus.
Ils sont aujourd'hui environ 300 parties civiles à la procédure, 300 particuliers, "des gens de toutes origines (...) sans animosité à l'égard de qui que soit", mais qui "attendent des réponses judiciaires", a rappelé Me Frédérik Karel-Canoy, qui défend une soixantaine d'entre eux.
Leur préjudice se résume en deux chiffres et deux dates brandis par l'avocat: 10 mars 2000, le cours de Vivendi tutoie le record de 140 euros; 16 août 2002, l'action s'est effondrée à 8,62 euros.
Entre les deux, le groupe, lancé dans une course d'acquisitions tous azimuts pour constituer un géant des médias, s'est trouvé confronté à une grave crise de liquidités et de défiance des marchés vis à vis de son dirigeant charismatique mais trop flambeur à leur goût.
Pour Charles Nabet, un salarié de VU parti en pré-retraite en 2002 en tablant sur le petit matelas d'actions dans lesquelles son employeur lui avait proposé d'investir une partie de ses primes, le réveil a été brutal: plus de 8.000 euros de perte et des projets bousculés, a expliqué aux juges son avocat, Me Philippe Valent.
L'aléa boursier, son client était prêt à l'assumer, a poursuivi l'avocat, mais "pour une seule raison: la confiance qu'il avait dans la direction de son entreprise".
"Il pensait que les dirigeants de Vivendi lui délivraient une information sincère et loyale, ce n'était pas le cas", a déploré Me Valent.
Jean-Marie Messier est poursuivi, sous le chef de "communication d'information fausse ou trompeuse", pour avoir diffusé des communiqués mensongers sur la santé financière du groupe.
Il comparaît également pour abus de bien social et "manipulation de cours".
Pour Me Canoy, la perte subie a un prix précis: il réclame solidairement aux sept prévenus -d'anciens hauts responsables de Vivendi pour l'essentiel- 160 euros par action au titre du préjudice matériel et 10 euros par action au titre du préjudice moral.
Me Canoy réclame également la condamnation du groupe Vivendi, pourtant partie civile au procès, au titre de sa responsabilité civile.
"Contrairement à ce que l'entreprise prétend, elle n'est pas du côté des actionnaires, elle n'a aucune considération pour eux", a critiqué l'avocat.
Attaque inacceptable pour le conseil de Vivendi, Me Hervé Pisani, qui a plaidé afin de défendre "l'honneur" de l'entreprise.
"C'est pour prendre part à la manifestation de la vérité (...), pour tourner la page, pour que les salariés ne reçoivent plus ce petit sourire narquois quand ils citent le nom de leur employeur, que nous nous sommes constitués partie civile", a exposé l'avocat.
A ses yeux, plusieurs des infractions reprochées à Jean-Marie Messier ne sont pas constituées. Un thème que reprendra la défense de J2M après le réquisitoire du parquet prévu mercredi prochain.

mardi 15 juin 2010

Messier : la guérilla des petits actionnaires


Face au tribunal qui juge l'ancien PDG de Vivendi, les petits porteurs et leurs avocats multiplient les incidents. 

Sans eux, le procès de Jean-Marie Messier devant le tribunal correctionnel de Paris n'aurait même pas eu lieu. Les petits porteurs sont à l'origine de la première plainte à l'encontre du PDG de Vivendi Universal. Au procès, ils entendent donc conserver leur avantage. Omniprésents, virulents mais parfois brouillons, ils se sont fixé comme objectif de porter les assauts en lieu et place du parquet qui, après avoir requis un non-lieu à l'issue de l'instruction, a clairement annoncé qu'il ne demanderait pas de sanctions à l'encontre de Jean-Marie Messier et des six autres prévenus.
Dans la salle d'audience, les petits porteurs sont incarnés par des figures originales qui tranchent avec le parterre massif et impeccable des avocats de grands cabinets parisiens qui conseillent l'ancien état-major de Vivendi Universal.

Le «livre des alertes» 


Avec son allure d'un héros de bande dessinée de Marcel Gotlib, Me Frederick Karel Canoy est l'historique du dossier. Il fait feu de tout bois. Un jour, il interpelle les magistrats du tribunal pour savoir s'ils possèdent des actions Vivendi Universal et même s'ils sont abonnés à Canal Plus ou titulaires d'un abonnement de téléphone portable auprès de SFR (des sociétés dépendant du Vivendi de Jean-Marie Messier)… Un autre jour, il soupçonne à haute voix des liens d'amitié entre «J2M» et des contrôleurs de la Bourse, s'attirant une réponse de M. Messier en ces termes : «Sur la dernière question de Me Canoy , je dirais : qu'est ce que c'est que cette connerie ?»
L'avocat, plusieurs fois rappelé à l'ordre par le président du tribunal, s'est déjà illustré dans plusieurs affaires boursières. Face à Jean-Marie Messier, il réclamera 160 euros de dommages et intérêts par action. Un temps rival de son confrère, Me Pascal Lavisse, du barreau d'Orléans, revendique, quant à lui, 217 petits porteurs regroupés au sein de l'association Apac. Me Edgar Vincensini défend également des petits actionnaires. Un petit porteur, après le départ de son avocate, a décidé de se défendre seul et lève régulièrement le doigt bien haut, comme à l'école, pour réclamer la parole au président du tribunal Noël Miniconi.
Les interventions des petits porteurs, souvent raillées, troublent le rythme tranquille des explications techniques que le procès aurait connu sans eux. Toutes leurs demandes, pourtant, ne sont pas folkloriques. Jeudi, ils ont ainsi réclamé à la justice française de joindre à la procédure le warning book («livre des alertes») que la justice américaine avait examiné lors du procès qui s'est déroulé à New York fin 2009 avant de condamner Vivendi et de relaxer M. Messier.
L'utilité de ce document pour le procès n'est pas démontrée. «Est-ce que les décisions prises et assumées par Jean-Marie Messier ont porté un quelconque préjudice aux actionnaires que vous dites représenter ? Non ! », s'agace Me Pierre Haïk, l'un des avocats de «J2M». Bousculés, les petits actionnaires se réfugient en pareil cas dans le rôle de trouble-fête : «Puis-je poser une question ?» , demande jeudi l'avocat de Vivendi. «Dans l'intérêt de Vivendi ou dans l'intérêt de Jean-Marie Messier ?» , ironise aussitôt l'avocat Lavisse. Dans la salle, ni les avocats des prévenus ni ceux de Vivendi (partie civile) ne goûtent la plaisanterie.

Messier in fresh Vivendi fraud trial

http://www.dailymotion.com/video/xdj180_messier-in-fresh-vivendi-fraud-tria_news

Le "Warning Book" de l'ex-directeur financier de Vivendi fait irruption dans le procès Messier L'inévitable a fini par se produire. Le procès Vivendi, qui s'est déroulé à New York fin 2009, a fini par percuter le procès Messier, qui se tient au tribunal correctionnel de Paris depuis le 2 juin. Jeudi 10 juin, en début d'audience, Me Edgar Vincensini, avocat de petits porteurs, a demandé au président du tribunal la mise à disposition du "Livre des alertes", un document qui a servi de fondement à la class action américaine contre Vivendi.


Ce "Warning Book" est une compilation de l'ensemble des messages de protestation concernant les comptes et la dette adressés par Guillaume Hannezo, ex-directeur financier deVivendi Universal, à Jean-Marie Messier, ex-PDG, sur la période de 2000 à la mi-2002. Deux autres avocats de la partie civile, MesPascal Lavisse et Frédérik Karel-Canoy, relaient immédiatement la demande de leur collègue.
MANIPULATION DE COURS
Le président Noël Miniconi, qui craint de ne pas tenir les délais, hésite : "On ne va pas refaire le procès", risque-t-il. Chantal de Leiris, procureure, affirme que "ce document est dans le procès et que les parties civiles ont eu tout le loisir de le demander".
Me Lavisse, avocat de l'Appac, une association de petits porteurs, précise que "la procédure pénale fait référence à cette pièce, mais en réalité personne ne l'a". Se tournant vers Chantal de Leiris, il ajoute : "Vous-même avez requis la relaxe de M. Messier sans avoir vu cette pièce capitale."
Une seule des parties civiles dispose du "Livre des alertes" et c'est Vivendi, présent sur le banc des accusés à New York. Me Hervé Pisani, avocat de Vivendi, dont la stratégie à Paris consiste à protéger le groupe en aidant Jean-Marie Messier, tente de noyer le poisson: "Ce document est largement connu de tous", argue-t-il. Prudent, il s'en "remet à la décision du tribunal".
Les avocats de MM. Messier et Hannezo se déchaînent : cette pièce nouvelle est un "happening" ou l'on ressert "les plats déjà servis". Me Pierre Haïk, avocat de M. Messier, suggère que l'on fournisse en sus "l'ensemble des réponses apportées par [son] client à New York". Mais avec les délais de traduction, le procès risque de prendre du retard. Le calme finit par revenir et Vivendi s'engage à apporter le document "dans les meilleurs délais".
Viennent ensuite les accusations de manipulation de cours. Vivendi a en effet procédé au rachat de 40 millions de ses propres titres fin septembre 2001. Ces transactions représentent plus du quart de la moyenne des opérations quotidiennes sur le titre Vivendi durant trois jours d'affilée et pulvérisent les limites de la réglementation. Pire, Jean-Marie Messier a ordonné des achats massifs le 25 septembre 2001, jour de la publication de ses résultats.

COMPTES MAQUILLÉS
Pour les parties civiles, ce soutien de cours contribue à l'endettement déjà inquiétant du groupe et sert à maquiller les comptes. Pour Jean-Marie Messier, ces achats s'expliquent par l'effondrement des cours consécutif "au 11 septembre  2001""Les sociétés américaines étaient autorisées à racheter leurs titres sans limitation pour contrer les spéculations des hedge funds", justifie-t-il. Fidèle à sa stratégie de défense, M. Messier ajoute : "J'ai agi dans l'intérêt du groupe et huit ans après, je pense que la décision était bonne."
L'argumentation de M. Messier a reçu le soutien de Philippe Guez, ex-responsable de Deutsche Equity, filiale de Deutsche Bank, qui achetait et vendait pour le compte de Vivendi. Egalement mis en examen, M. Guez reconnaît avoir "noté l'agressivité des rachats de Vivendi", ainsi que le"franchissement de certaines règles". Il affirme avoir remonté l'information à son "compliant officer" (chef de la déontologie) qui tarde à répondre.

M.Guez reconnaît qu'il a volontairement "dramatisé" la situation en parlant d'"illégalités" et de risques de "prison". Il explique aujourd'hui avoir voulu faire acte de pédagogie vis-à-vis de son équipe d'opérateurs de marché à "qui je rappelle que la réglementation c'est la loi". Sur le fond, M. Guez conteste avoir participé à une "manipulation de cours""Toutes les sociétés soutiennent leurs titres. J'ai agi dans le respect de la réglementation", a-t-il conclu.
Yves Mamou

PARIS (AFP) - Messier et Kerviel dans le miroir de la justice


Tous deux ont connu l'ivresse des milliards, la chute et aujourd'hui le prétoire. Les destins croisés de Jean-Marie Messier et Jérôme Kerviel ont convergé cette semaine vers le même tribunal parisien où ils comparaissent en alternance, mais sans jamais se rencontrer.
Quand le procès de l'ancien trader de la Société Générale ouvre le bal, à 09H30, la comparution de l'ancien PDG de Vivendi Universal suit dans la foulée, à partir de 13H30. Selon les jours, l'ordre s'inverse.
Depuis l'ouverture, mardi, du procès de Jérôme Kerviel -celui de Jean-Marie Messier a débuté le 2 juin-, le chassé-croisé des audiences s'est déroulé sans accroc. Les deux prévenus vedettes n'ont même pas eu à s'apercevoir, chacun filant sans traîner à l'issue des débats.
Même décor pour les deux séances: celui, tout en boiseries sombres, de la grande salle des Criées du TGI de Paris où siège la 11ème chambre correctionnelle dans deux compositions différentes.
Une telle concomitance de calendrier et de lieu pour deux procès sensibles est exceptionnelle, notent les connaisseurs du Palais de justice.
Surtout pour deux hommes qui ont incarné à leur façon les dérapages du capitalisme financier et qui ont face à eux, sur le banc des parties civiles, des petits actionnaires floués et leur ancienne entreprise -Vivendi pour Messier, la Société Générale pour Kerviel.
Tous deux encourent jusqu'à cinq ans de prison. Tous deux reconnaissent des erreurs mais avancent des justifications.
Leurs procès ont deux avocats en commun: Jean Veil défend la Société Générale à l'audience Kerviel et l'ancien bras droit de Jean-Marie Messier, Guillaume Hannezo. Dans les deux procédures, Me Frédérik Karel-Canoy est le conseil de petits porteurs qui s'estiment lésés par les agissements du grand patron ou du trader.

La comparaison devenant trop embarrassante a-t-elle convaincu Jean-Marie Messier de changer d'avocat avant son procès? Défendu durant l'instruction par Me Olivier Metzner, devenu entre-temps défenseur de Kerviel, il est finalement assisté à l'audience par un autre pénaliste réputé, Me Pierre Haïk.
Car un monde continue de séparer le dirigeant resté proche de l'establishment, qui affichait à l'ouverture des débats 25.000 euros de revenus mensuels à la tête de sa société de conseil, et l'ex-trader breton qui déclare désormais 2.300 euros comme informaticien.
Envers le premier, le parquet avait réclamé un non-lieu à l'issue de l'instruction. Le second avait été l'objet d'un réquisitoire accablant.

Procès Vivendi : Messier revit "son" 11-Septembre Reportage Challenges.fr Le tribunal correctionnel de Paris a commencé à examiner jeudi les accusations de manipulation de cours portées contre l'ex-P-DG, suite à des rachats d'actions menés après les attentats.


EAN-MARIE Messier a revécu "son" 11-Septembre. L'ancien P-DG de Vivendi Universal a en effet commencé à s'expliquer devant le tribunal correctionnel de Paris, jeudi 10 juin, sur les rachats massifs de ses propres actions effectués par le groupe dans les jours qui ont suivi les attentats terroristes de 2001. Une opération qui le conduit à être accusé de "manipulation de cours", de même que trois autres prévenus, l'ancien trésorier Hubert Dupont-Lhotelain, son adjoint François Blondet et le banquier qui a effectué les rachats d'actions à la Deutsche Bank, Philippe Guez. L'ex-directeur financier Guillaume Hannezo est lui renvoyé pour complicité.

"Une décision qui ne s'apprend pas à l'école"

Les faits incriminés portent sur le rachat sur le marché par Vivendi, entre le 17 septembre et le 2 octobre 2001, de ses propres titres pour 1 milliard d'euros. Une opération permise par la réglementation boursière, mais dans le respect de trois "présomptions de légitimité" que le groupe est accusé d'avoir allègrement violées: les rachats ne peuvent normalement représenter plus de 25% des échanges de titres ni intervenir aufixing (ouverture et clôture des séances) ou dans les jours précédant les résultats trimestriels. A l'époque, Vivendi avait néanmoins obtenu un blanc-seing de la Commission des opérations de Bourse (COB, ancêtre de l'AMF), via un courrier envoyé le 26 octobre 2001 par son président, Michel Prada.
Un feu vert a posteriori que Jean-Marie Messier, qui s'était installé en famille à New York début septembre 2001, a justifié en faisant vibrer la corde personnelle, soulignant "la peur de ce qui risquait de se passer le lendemain, la recherche des employés du groupe disparus... [...] C'est le genre de décisions qui ne s'apprend pas à l'école". Philippe Guez, qui s'est exprimé en fin de journée, a lui aussi évoqué ses souvenirs du 11-Septembre : "Les bureaux de Deutsche Bank à New York sont mitoyens des deux tours, et l'ensemble de la direction européenne était à New York ce jour-là: vous imaginez l'émotion. Quand l'avion a frappé la seconde tour, nous avons vu la liquidité s'assécher, les spéculateurs intervenir".

"Pas une opération frauduleuse"

Ces spéculateurs, Jean-Marie Messier les a attaqués avec virulence, en faisant la cible des rachats d'actions: "Ne rien faire, c'était livrer la société à la spéculation. [...] Les hedge funds se foutent du cours de Bourse, ils veulent se faire de l'argent sur le dos des actionnaires". Soutenu par le témoignage de Guillaume Hannezo, il a ensuite déroulé des justifications déjà rodées à l'instruction. Il a notamment rappelé que Vivendi était coté à New York et Paris et que la SEC, l'homologue américaine de la COB, avait suspendu ses règles sur les rachats de titres après les attentats, là où la COB les avait seulement assouplies. Il a également reconnu que le groupe n'avait publié que la moitié de ses résultats (la partie communication) au moment des faits, mais que l'autre, la partie environnement, rendue publique le 25 septembre, était d'une "prévisibilité totale". Enfin, il a combattu en longueur l'accusation "factuellement erronée" de la brigade financière selon laquelle il aurait donné instruction de maintenir le cours de l'action à 50 euros le 25 septembre, pendant la présentation des résultats.
Dans ce combat, il a reçu le soutien de Philippe Guez de la Deutsche Bank, plutôt inattendu au vu de propos de l'époque tenus en interne, cités dans l'ordonnance de renvoi: "Moi je veux pas aller en prison. [...] Ils font n'importe quoi. [...] Ils font des choses qui sont totalement illégales". "Affligé" de sa présence sur le banc des prévenus mais très à l'aise, le banquier a justifié ses propos par une volonté de "dramatiser" la situation: "Il faut être violent dans l'expression des sanctions pour avoir le respect de la réglementation dans une salle de marché". Il a critiqué l'idée de Vivendi de racheter ses actions avant ses résultats puis d'organiser leur présentation en plein milieu d'une séance de Bourse à Paris, mais a dédouané le groupe sur le plan pénal: "Il n'y a pas d'opération frauduleuse. Un émetteur a le droit de défendre son cours de Bourse, c'est le fonctionnement du marché".

"Il se fout de nous !"

Face à ces prévenus droits dans leurs bottes et des parties civiles qui se sont souvent dispersées sur des questions ne portant pas sur l'objet de l'audience, le président Miniconi a tenté d'introduire le doute en soulignant les divergences entre Vivendi et la COB: "Vous donnez l'impression d'un consensus avec l'autorité de marché, mais elle est tout de même critique". Lisant un courrier de remerciement envoyé par Jean-Marie Messier à Michel Prada, il a pointé le "Il se fout de nous!" annoté dans la marge et ironisé sur la formule de politesse "Monsieur le président et cher Michel" -les deux hommes avaient un passé commun au cabinet d'Edouard Balladur à Bercy.
Une brèche dans laquelle Me Canoy, qui défend des petits porteurs, a tenté de se faufiler, pointant les "goûts musicaux communs" revendiqués par Messier avec Prada: "Avec vous fait partie de l'association de l'Orchestre de Paris ?". "Oui, longtemps', répond Messier. "Je trouve déplacé de laisser planer le moindre doute sur Michel Prada", ajoute-t-il, avant que Me Canoy n'évoque la "rumeur" d'un cheval offert à Gérard Rameix, le directeur général de la COB. Là, comme au moment de son attaque sur les hedge funds, Jean-Marie Messier a choisi de changer brièvement de registre, sans élever la voix: "Qu'est-ce que c'est que cette connerie ?".

par Jean-Marie Pottier, journaliste à Challenges.fr, le jeudi 10 juin.

mercredi 9 juin 2010

Procès Messier: les petits actionnaires passent à l'offensive (COMPTE RENDU)


Les représentants des actionnaires floués de Vivendi Universal, peu convaincants depuis le début du procès parisien de l'ex-PDG du groupe, ont pour la première fois poussé Jean-Marie Messier dans ses retranchements, mercredi, sans toutefois parvenir à le déstabiliser.
Durant toute l'audience, deux avocats des parties civiles encadrent l'ancien champion du CAC 40, debout face au tribunal, et le mitraillent de questions.
Comme rarement depuis l'ouverture des débats, ils visent juste.
Obstinément, les deux hommes pointent les failles présumées de la communication financière de l'ancien patron du géant des médias pour démontrer qu'elle était "fausse ou trompeuse".
C'est l'avis des juges d'instruction qui ont renvoyé M. Messier devant le tribunal correctionnel de Paris en incriminant plusieurs communiqués de presse et déclarations publiques plus optimistes que ne l'aurait commandé la santé de Vivendi.
"Vous dites, lors d'une assemblée générale d'actionnaires, que vous choisissez le degré d'information qui vous paraît le plus pertinent. Est-ce que vous ne devez donner pas une information complète, totale et loyale? Pourquoi ce subjectivisme?", interroge Me Pascal Lavisse, avocat de l'Appac (Association des petits porteurs actifs).
Il est notamment reproché à Jean-Marie Messier d'avoir communiqué avec enthousiasme sur les développements prometteurs de l'activité médias de VU pour mieux dissimuler la dette des autres branches du groupe.
Les actionnaires, relayés par les juges, l'accusent également de leur avoir caché, en 2001, que VU avait renoncé à une importante annulation d'actions qui aurait poussé le cours des titres Vivendi à la hausse.
"Pour l'actionnaire de base, il était impossible de comprendre cette histoire d'annulation. Pourquoi n'avoir pas fait un communiqué clair pour dire que vous renonciez ?", s'irrite Me Frédérik Karel-Canoy qui défend une centaine de petits porteurs.
A la surprise générale, l'un de ces actionnaires "de base" décide de faire entendre sa voix à l'audience. La semaine passée, son avocate -une ancienne salariée de Vivendi Universal- a été évincée du procès en raison d'un possible "conflit d'intérêt" entre ses anciennes et nouvelles fonctions.
Son client, tout en dénonçant la manoeuvre, semble avoir décidé de se défendre seul et presse Jean-Marie Messier de questions, sous le contrôle du président Joël Miniconi.
L'audition tout confort de "J2M", rarement malmené depuis le début du procès, soutenu par un parquet convaincu de son innocence, change de ton.
Le président du tribunal lui-même, au diapason de l'offensive ambiante, porte plusieurs fois la contradiction au prévenu.
"Ne pensez-vous pas que ces communiqués, dont on peut dire qu'ils comportaient des informations partielles, étaient de nature à tromper les actionnaires de base ?", s'enquiert-il.
Me Lavisse tente de porter l'estocade: "Comment se fait-il que jusqu'à votre départ, le discours, c'est +tout va bien dans le meilleur des mondes+ et que votre successeur, Jean-René Fourtou, à peine arrivé aux commandes, parle d'un groupe au bord de la faillite ?".
"J'ai toujours délivré une information complète, précise et juste", répond, imperturbable, sobre et pour la énième fois, Jean-Marie Messier, fidèle à sa ligne de défense depuis le début du procès.
Le tribunal abordera jeudi la prévention de "manipulation de cours", troisième et dernière des infractions reprochées à Jean-Marie Messier jugé jusqu'au 25 juin.

Source: Le Point

Kerviel rappelle que dans une salle de marchés "tout se voit, tout s'entend"


Tout se voit, tout s'entend" dans une salle de marchés. Cette phrase, prononcée mardi 8 juin par Jérôme Kerviel au premier jour de son procès, résume la ligne de défense de l'ancien trader de la Société générale.
"Sur un desk de trading, on est tous à 50 cm les uns des autres, tout se voit tout s'entend", a poursuivi le jeune homme de 33 ans, alors que le tribunal se penchait sur sa personnalité. Il répondait alors à un avocat de petits actionnaires, partie civile au procès. Auparavant, il avait affirmé que "les encouragements journaliers de [ses] supérieurs" l'avaient incité à continuer, répétant qu'ils étaient au courant de ses prises de position dès lors qu'elles rapportaient de l'argent.


Poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique, M. Kerviel encourt cinq ans de prison, 375 000 euros d'amende et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts que lui réclame la Société générale.
"UN PION QU'ON A UTILISÉ"
Son avocat, Me Olivier Metzner, a ensuite posé quelques questions de fond à son client, qui a répété qu'il était "impossible" que les cinq chefs qui se trouvaient à proximité des traders aient pu ignorer ce qu'il faisait. A l'appui, Me Metzner a fait transmettre sur un grand écran dressé dans le tribunal un plan de la salle dans laquelle travaillait Jérôme Kerviel.
Me Metzner a également déclaré être en mesure de produire des documents montrant selon lui que les agissements de M. Kerviel ne pouvaient être ignorés de la banque, notamment une banque de données où sont enregistrés tous les ordres. "Ce n'est pas un homme qui est responsable de cela mais un système. Celui qui comparaît devant le tribunal est un pion, un pion qu'on a utilisé et dont on a tiré profit, et, quand on n'a plus eu besoin lui, qu'on a jeté", a-t-il dit aux journalistes avant l'ouverture du procès. Me Metzner plaidera la relaxe.
Lors de cette première journée de procès, le président du tribunal Dominique Pauthe a longuement interrogé M. Kerviel – unique prévenu – sur sa personnalité et son profil psychologique, relevant dans le rapport d'un expert que "l'absence de contrôle" l'aurait conduit à "réitérer sa stratégie".
SEPT PARTIES CIVILES
Il aura face à lui sept parties civiles : la Société générale et des petits porteurs, salariés ou retraités actionnaires de la banque. Les avocats de la Société générale considèrent de leur côté que ce n'est pas parce que ses services de contrôle se sont avérés défaillants que Jérôme Kerviel était autorisé à "la mettre en péril par ses agissement frauduleux". Exonérée sur le plan pénal, la Société générale n'est pourtant pas sortie indemne de l'enquête, qui a montré qu'elle avait négligé plus de soixante-dix alertes internes et externes sur le comportement de Jérôme Kerviel.
Emblématique des dérives du monde de la finance, très médiatisé, le procès durera près de trois semaines, jusqu'au 25 juin. Une quarantaine de témoins sont attendus.

Source: le Monde

LEAD 1 Le procès de l'ex-trader Jérôme Kerviel s'ouvre à Paris

* L'avocat de Kerviel promet des éléments nouveaux
* La banque réaffirme son statut de victime
(Actualisé avec ouverture de l'audience)
PARIS, 8 juin (Reuters) - Le procès de Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008, s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel de Paris.
Le jeune homme, en costume-crave et chemise blanche, visage tendu, yeux cernés, est arrivé au tribunal avec son avocat Olivier Metzner, entouré de dizaines de photographes et de cameramen.
Il a déclaré la profession de "consultant" et le salaire de 2.300 euros par mois lors de son interrogatoire d'identité.
"Nous espérons que la transparence va se faire, que la vérité ne sera pas obstruée par la Société générale, comme elle a pu l'être pendant deux ans", a dit Olivier Metzner aux journalistes.
Près d'une centaine de médias français et étrangers sont accrédités pour suivre ce procès qui coïncidera avec un sommet du G20 au Canada sur l'encadrement du secteur financier.
Une quarantaine de témoins sont convoqués pour les audiences programmées jusqu'au 25 juin.
Poursuivi pour "faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique", Jérôme Kerviel, 33 ans, encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.
Il se voit reprocher des positions à risque vertigineuses de 2005 à 2008 sur des indices boursiers européens, ayant atteint plus de 49 milliards d'euros, dissimulées selon l'accusation à son employeur.
Les juges d'instruction fondent essentiellement les charges sur les propres déclarations du trader, qui a reconnu que la limite d'engagement au-delà d'une journée pour les huit traders de l'unité où il travaillait était à 125 millions d'euros.

La Société générale, qui est partie civile, lui impute la responsabilité exclusive de l'affaire et entend demander une "sanction exemplaire".
"Nous rappelons que la Société générale a été victime de la fraude. La banque est partie civile, il faut arrêter de faire croire qu'elle est sur le banc des accusés", a-t-on dit à Reuters avant le procès au sein de la banque.
"Ce procès est important pour tourner la page", ajoute-t-on.
METZNER PROMET DES NOUVELLES PIÈCES
L'ex-trader reconnaît des fautes mais incrimine sa hiérarchie, qui aurait fermé les yeux sur ses agissements.
Il accuse plus largement le système financier qui l'aurait conduit dans un "engrenage", le titre de son livre.
Olivier Metzner entend produire à l'audience des documents montrant selon lui que les agissements de Jérôme Kerviel ne pouvaient être ignorés de la banque, notamment une base de données où sont enregistrés tous les ordres.
Exonérée sur le plan pénal, la Société générale n'est pourtant pas sortie indemne de l'enquête, qui a montré qu'elle avait négligé plus de 70 alertes internes et externes sur le comportement de Jérôme Kerviel.
Le défaut de contrôle a valu à la banque une amende de quatre millions d'euros infligée par la Commission bancaire.
Seront aussi parties civiles plusieurs petits actionnaires représentés par l'avocat Frédérik-Karel Canoy.
Ce procès a pour toile de fond un intense débat international sur les marchés financiers, avec un vaste projet de réglementation aux Etats-Unis.
Le renforcement des contrôles internes et externes des salles de marchés, l'interdiction éventuelle aux banques de dépôt des activités de spéculation pour compte propre et une restriction des activités risquées sont à l'étude.

Source: Euroinvestor

Kerviel : Bouton refuse de témoigner

L'ancien PDG de la Société générale Daniel Bouton a refusé mardi de venir témoigner au procès de son ex-trader Jérôme Kerviel, tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008.

Il a communiqué cette décision dans une lettre lue par le président du tribunal à l'ouverture du procès. Il explique qu'il a déjà déposé à l'instruction et qu'il ne juge pas utile de revenir au procès.

Frédérik-Karel Canoy, avocat de petits actionnaires, a demandé qu'on utilise la force publique pour le faire venir. Me Olivier Metzner, avocat de Jérôme Kerviel, ne n'est pas rangé à cet avis, expliquant qu'il pouvait se passer de sa déposition et s'en tenir aux dépositions figurant au dossier.

Le procureur a dit s'en rapporter à la décision du tribunal mais ce dernier l'a reportée.
"Il sera apprécié le moment venu s'il faut requérir la présence de M. Bouton", a dit son président Dominique Pauthe.

Daniel Bouton a dû quitter ses fonctions à la suite de l'affaire et sous la pression de l'Elysée.

lefigaro.fr avec Reuters

lundi 7 juin 2010

Vivendi Pitted Against Jean-Marie Messier in Paris Trial

Messier, profil bas !!!!!!!

L'ancien patron de Vivendi s'essaye à l'humilité à la barre du tribunal correctionnel.



C’est un nouveau rôle dont il s’acquitte avec un certain talent, à 53 ans. Face au tribunal correctionnel de Paris, qui examine depuis mercredi les années Vivendi Universal (VU), Jean-Marie Messier est devenu un homme humble, distancié, au point de sembler parfois au bord de la repentance. Oubliées, l’assurance sans limite et l’arrogance du grand patron un brin mégalo, ce "J2M" qui jonglait avec les acquisitions et les milliards, apeurant les administrateurs de VU au point qu’ils eurent fini par le pousser à la démission, en juin 2002. Toujours habile communicant, costume impeccable mais sobre, le Jean-Marie Messier de 2010 n’a plus que les mots "bonne foi" et "honneur" à la bouche. Prudent dans son expression, déférent avec ce tribunal qui le surplombe depuis une haute estrade, il répète que tout ce qu’il a fait à l’époque était pour le bien du groupe qu’il présidait.
"En jetant un regard en arrière, certaines décisions que j’ai pu prendre, que nous avons pu prendre, n’étaient pas les meilleures. J’ai certainement commis des erreurs", a d’emblée reconnu Jean-Marie Messier à l’ouverture des débats, dans un mea culpa soigneusement cadré. S’il est jugé pour "diffusion d’informations fausses ou trompeuses", "manipulation de cours" et "abus de biens sociaux", des délits qu’il réfute, l’ancien PDG n’est guère malmené au procès que par les avocats des petits actionnaires. Le parquet a annoncé qu’il allait requérir un non-lieu, comme à la fin de l’instruction des juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons. Quant au président Miniconi, il se montre guère combatif. Du coup, les cinq anciens hauts dirigeants de VU jugés aux côtés de Jean-Marie Messier tentent de se faire oublier. Même en faisant profil bas, celui-ci reste la vedette.

La carte de la sincérité

Interrogé sur les nombreux avantages qu’il a essayé d’obtenir de VU en démissionnant, Jean-Marie Messier se pose en patron désintéressé. Quand on lui rappelle la longue liste des exigences qu’il avait formulées (quatre ans de salaire, des bonus, des primes, le loyer de son appartement à New York, sa couverture maladie, des trajets en avion…), Jean-Marie Messier joue la carte de la sincérité. Il veut bien le confesser, il y a là "un côté liste à la Prévert, et un côté pathétique". "Huit ans après, ça a l’air baroque, décalé, dérisoire", souffle-t-il, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. "Il y avait de l’acrimonie vengeresse", aussi, constate-t-il, à propos d’une de ses demandes: continuer après son départ les procès engagés par VU contre le quotidien Le Monde.
Quant à toutes les discussions et tractations visant à lui octroyer un parachute doré de 20,6 millions d’euros, sans accord du conseil d’administration de VU (et auquel il sera d’ailleurs obligé de renoncer), l’ancien PDG essaye de démontrer qu’il n’en était pas à l’origine, et qu’il n’avait de toute façon plus aucun pouvoir de décision après sa démission. "J’ai signé seul ma démission. C’est mon honneur", répète-t-il.
Les mains jointes, Jean-Marie Messier l’assure, il avait refusé que le moindre parachute doré figurât dans son contrat de travail, et il a seulement bénéficié des mêmes conditions de départ, prévues par son contrat américain (le contrat Seagram), que celles de l’administrateur Edgar Bronfman. Est-ce sa faute? Non. C’était l’époque, et le groupe pouvait payer ces sommes-là, explique-t-il. Insistant avec émotion sur le "maelström" personnel que représentait sa démission, "le moment le plus difficile de [sa] vie", il assure n’avoir voulu que la sortie "honorable" qu’on lui avait promise. Pour le reste, dit-il à propos d’un courrier embarrassant, "ce n’est pas la lettre d’un patron, mais de quelqu’un qui ne sait plus où il en est". Conclusion de cette explication psychologisante: "J’étais à la merci de VU, qui avait la main. C’est cette bonne foi – pardon d’avoir été extraordinairement long – que je veux exprimer aujourd’hui."
Dans son livre J6M.com (une référence humoristique à son surnom, "Jean-Marie-Messier-Moi-Même-Maître-du-Monde"), publié en 2000, le PDG s’était engagé à "ne jamais négocier de golden parachute", relève une partie civile, le fantasque Me Canoy, réveillant ainsi l’assistance.

Michel Deléan - Le Journal du Dimanche
Samedi 05 Juin 2010

Jean-Marie Messier s'explique sur son étrange parachute doré Reportage Challenges.fr Jeudi, l'ex-patron de Vivendi Universal est revenu devant le tribunal sur les conditions de son départ du groupe, en juillet 2002.


LE premier jour du procès Messier aurait pu être qualifié de journée des mondanités. Des parties civiles peu virulentes, pas de témoins ni d'accusation, le parquet ayant requis un non-lieu général dans le dossier et ayant laissé sous-entendre que sa position ne changerait pas.

L'attaque n'était pas plus de mise lors de la deuxième journée, jeudi 3 juin, excepté du côté du trublion Me Frédérik-Karel Canoy, conseil d'une centaine de petits actionnaires qui, en début d'audience, a interpellé les membres du tribunal pour savoir s'ils détenaient quelque action Vivendi ou encore pour connaître l'état de leur éventuelle adhésion à Canal+ ou à SFR, les filiales du groupe... "Je n'ai plus d'action Vivendi et je suis affilié à SFR", a répondu le président du tribunal, face à une audience pour le moins interdite et amusée (ou déconcertée) par cette intervention. Quant au procureur, Chantal de Leyris, elle n'a "pas d'action Vivendi, une vieille télé qui reçoit trois chaînes et est abonnée à Bouygues Telecom".
Après vingt minutes de "Canoy show" et un recadrage du président Miniconi, les choses sérieuses pouvaient commencer. Ce jeudi, il était question d'un parachute doré qui vaut à Jean-Marie Messier des poursuites pour abus de biens sociaux. Plus précisemment, d'une indemnité de départ de 18,6 millions d'euros -à laquelle il faut ajouter 1,95 million d'euros de bonus non perçus- qu'il s'était fait octroyer sans l'accord du conseil d'administration. Le juge d'instruction, Jean-Marie d'Huy, a alors fondé son renvoi en correctionnelle sur le fait que Vivendi avait dû provisionner une somme équivalente. Même si, au final, il n'a "pas touché un euro", et n'a perçu aucun des avantages supplémentaires qu'il demandait (remboursement des travaux engagés dans son appartement new yorkais, le paiement de son personnel de sécurité pendant neuf mois, un chauffeur/garde du corps pour son épouse pour la même durée, etc). Excessif tout ça? Pas le moins du monde pour J2M qui rappelle que la solvabilité du groupe n'a jamais fait défaut.
Dans un long entretien qui se déroule principalement avec le président du tribunal, J2M retrace la chronologie de cette période dont il dit se souvenir "à peu près minute par minute". L'ancien dirigeant promet avoir "agi de bonne foi et dans l'intérêt de Vivendi Universal". Déjà, il indique avoir demandé à ce que soit retirée de son contrat de travail américain (signé après la fusion avec Seagram) toute condition à son départ. A l'époque, il écrit d'ailleurs dans son ouvrage J6M.com. Faut-il avoir peur de la nouvelle économie ? (Hachette Littératures, 2000): "Mon contrat ne prévoit aucune clause de ce genre [un parachute doré, ndlr]. Et je m'engage, vis-à-vis de mon conseil d'administration, à ne jamais rien négocier".

Mais les temps changent, et les circonstances aussi. A la barre du tribunal correctionnel, Messier explique comment deux administrateurs français du groupe, Henri Lachmann et Jacques Friedmann, lui ont, le vendredi 28 juin 2002, demander de démissionner pour résoudre la crise de confiance que traverse la société, lui assurant qu'ils "veilleraient à ce qu'[il] soit traité honorablement". Et ce, trois jours après qu'il ait été conforté (de justesse) dans son rôle de président par le conseil d'administration. "Ne revenant pas de cette nouvelle", Jean-Marie Messier prend néanmoins la décision de quitter le groupe dans la nuit du vendredi au samedi. La "décision la plus difficile de sa vie", plaide-t-il.
Pourtant, le dimanche matin, il envoie un mail à l'un des ses avocats. "Un inventaire à la Prévert", comme il le qualifie désormais, dans lequel il réclame des éléments comme "présider la cérémonie de projection de films réalisés par plusieurs cinéastes sur le 11-Septembre", "poursuivre les procès contre le journal Le Monde", "ne pas réintégrer l'ancien patron de Canal+ Pierre Lescure", ou encore d'autres points concernant une couverture juridique... "Je reconnais que huit ans après, ça paraît baroque", lance-t-il, soulignant le "côté pathétique" de la chose.

A la suite de cette lettre, les avocats établissent un texte dans la nuit du dimanche au lundi. "J'ai signé dans la nuit du 30 juin au 1er juillet ma démission irrévocable, indépendamment de ce qui allait advenir, sans aucune garantie" de toucher quoi que soit, assène Messier plusieurs fois pendant l'audience. "J'étais le seul signataire. A partir de ce moment, je n'ai plus de pouvoir, plus d'initiative, je ne suis plus rien", ajoute celui qui est aujourd'hui à la tête de la société de conseils Messier Partners.
Soucieux que le "Termination Agreement", conclu au 1er juillet, ne soit pas soumis au conseil d'administration du groupe, ce qui différerait l'examen de son contrat de départ, il envoie à des administrateurs "un appel de pitié" dans lequel il écrit: "Bronfman [Edgar Bronfman Jr, ancien vice-président et représentant de la famille propriétaire d'Universal, ndlr] n'en a pas besoin pour vivre, moi si !". "Ce n'est pas la lettre d'un patron mais de quelqu'un de paumé, de perdu, qui ne sait plus quoi faire", argue-t-il cette fois.
Quant à Eric Licoys, alors directeur général de la société, également poursuivi pour abus de biens sociaux pour avoir signé le golden parachute de J2M, il assure avoir "agi sur instruction [de Marc Viénot, administrateur et ancien P-DG de la Société Générale et d'Edgar Bronfman, ndlr], les yeux fermés, et en pensant défendre l'intérêt de VU".
Vendredi, le tribunal doit s'intéresser aux infractions présumées de "faits de diffusion d'informations fausses ou trompeuses", point sur lequel seront entendus Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo, l'ex-directeur financier de la société.
par Chloé Dussapt, journaliste à Challenges.fr, jeudi 3 juin 2010.

Le procès français de l'ancien patron de Vivendi et de plusieurs autres anciens responsables du groupe s'est ouvert mercredi matin à Paris. Pendant trois semaines, la justice devra notamment déterminer si "J2M" a trompé les actionnaires. Reportage.


Jean-Marie Messier est arrivé au tribunal correctionnel par une porte dérobée, et à la sortie ni lui, ni son avocat n'ont répondu aux questions des journalistes. A l'intérieur de la salle des criées du Palais de justice de Paris, il y avait sept prévenus et une batterie d'une vingtaine d'avocats.
Tour de chauffe
Cette première audience était en réalité une sorte d'échauffement : comme dans la plupart des procès d'envergure, le premier jour est en effet celui qui attire le plus de monde, mais aussi le moins intéressant car le débat s'y cantonne à une présentation générale et à une lecture des chefs d'accusation.
Jean-Marie Messier s'est montré plutôt calme, très posé dans ses explications, et même assez souriant, on l'a même vu échanger une plaisanterie avec Guillaume Hannezo, l'ancien directeur financier de Vivendi.
Un visionnaire incompris ?
L'homme d'affaires, aujourd'hui à la tête de la société de conseils aux entreprises en Europe et aux Etats-Unis, Messier Partners, a donné l'impression qu'il se présentait peut-être pas comme une victime, mais en tous cas comme un visionnaire dont la principale erreur a été d'être en avance sur son temps.
"J2M" a ainsi expliqué mercredi au tribunal qu'il avait compris que la convergence réseaux/contenus était l'avenir, mais qu'à l'époque, on le"traitait de fou".
Il a dit assumer les erreurs de stratégie, mais sa prestation n'a pas convaincu les représentants des petits porteurs, qui l'accusent d'avoir menti aux actionnaires et ont encore sa gestion en travers de la gorge : "il a troué le bas de laine des Français, et ça c'est impardonnable", a expliqué l'un d'eux.
Trois principaux chefs d'accusation
Au début des années 2000, alors que Vivendi, ex-Compagnie générale des eaux, était devenue en quelques années un géant de la communication et des médias, après une frénésie d'acquisitions, Jean-Marie Messier aurait menti aux actionnaires dans sa communication financière.
Les parties civiles rappellent sa phrase célèbre : "tout va mieux que bien", alors qu'à l'époque, le groupe croulait sous une dette de plusieurs dizaines de milliards d'euros.  D'ailleurs Jean-René Fourtou, le successeur de Messier, affirmera plus tard que "Vivendi aurait été obligée de se déclarer en faillite dans un délai de 10 jours si Jean-Marie Messier n'avait pas donné sa démission".
Jean-Marie Messier est aussi soupçonné d'abus de biens sociaux. On l'accuse d'avoir particulièrement bien préparé son départ en se faisant octroyer un parachute doré d'environ 20 millions d'euros sans approbation de l'Assemblée générale, et en s'assurant la mise à son service personnel de cadres de la société, de personnel de sécurité après son départ du groupe.
Le dernier chef d'accusation est la manipulation de cours : on lui reproche d'avoir racheté des actions Vivendi à un moment où il n'avait pas le droit de le faire, dans le but de faire gonfler artificiellement le cours.
Au final Jean-Marie Messier risque cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende. Mais Didier Cornardeau, le président de l'APPAC, qui représente certains petits porteurs, s'attend au mieux à une légère condamnation avec sursis.



jeudi 3 juin 2010

"J2M" contre les petits porteurs, Huit ans après son départ de Vivendi Universal (VU), Jean-Marie Messier espère solder ses comptes avec la justice lors du procès qui s'est ouvert mercredi à Paris.

Jean-Marie Messier Vivendi

Dernier combat judiciaire pour "J2M"? Près de huit ans après son départ forcé de la présidence de Vivendi Universal (VU), Jean-Marie Messier espère solder ses comptes avec la justice lors du procès qui s'est ouvert mercredi à Paris pour des malversations présumées au sein du groupe de médias et communication.



A cette époque, tout réussit à Jean-Marie Messier, surnommé "J2M", qui multiplie cessions et acquisitions pour transformer la ronronnante Générale des Eaux en empire mondial de la communication. Mais en juillet 2002, le mythe s'écroule : malgré une communication euphorique de son PDG, les marchés découvrent que VU est assommée par une dette de 35 milliards d'euros. Son cours chute brutalement. Jean-Marie Messierdémissionne. Le scandale de l'entreprise américaine Enron, acculée à la faillite en décembre 2001 après une fraude comptable massive, est dans toutes les têtes. En colère, les petits porteurs portent plainte tous azimuts, en France et aux Etats-Unis. Au terme d'une instruction fleuve, on est aujourd'hui très loin d'un "Enron à la française", affirme sereinement l'avocat de Jean-Marie Messier, Me Pierre Haïk. "Tout au long de l'enquête, les comptes de Vivendi ont été épluchés et pas un expert n'a pu pointer la moindre fraude", rappelle-t-il.


Parachute doré


Au final, les chefs d'accusation de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de manipulations de cours et d'abus de biens sociaux ont été retenus contre Jean-Marie Messier. Mais là encore, l'ancienne star du CAC 40 revient de loin: les juges ont abandonné plus de la moitié des faits initialement reprochés au prévenu. Reste notamment, s'agissant de la communication trompeuse, une présomption de mensonge sur le niveau d'endettement du groupe lors de la fusion avec Seagram.


L'abus de bien social présumé se rapporte au parachute doré de 20,5 millions d'euros que Jean-Marie Messiers'était fait octroyer sans accord du conseil d'administration, mais auquel il a fini par renoncer. Concernant la manipulation de cours, Jean-Marie Messier est soupçonné d'avoir fait racheter massivement les propres actions de VU dans la foulée des attentats du 11 septembre, en s'affranchissant de la réglementation en vigueur. En juin 2005, la cour d'appel de Paris avait divisé par deux l'amende d'un million d'euros infligée quelques mois plus tôt à l'ancien PDG par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour sa communication triomphale infondée.


Blanchi aux USA


En janvier dernier, dans le volet américain de la procédure, Jean-Marie Messier a été blanchi de tout soupçon. Dans la foulée de ces décisions, sa défense espère obtenir la relaxe devant la 11ème chambre du TGI de Paris où le procès est prévu jusqu'au 25 juin. Fait rare, elle n'aura pas à batailler avec l'accusation: le parquet avait requis dans ce dossier un non-lieu général pour l'ensemble des faits et des prévenus. Mais les petits actionnaires floués, à l'origine de la procédure, comptent faire entendre leur voix. Quelque 150 d'entre eux seront représentés par l'Appac (Association des petits porteurs actifs), partie civile au procès, affirme son président, Didier Cornardeau. A ses yeux, l'affaire pose un enjeu éthique: "on peut admettre l'erreur stratégique d'un dirigeant, mais pas le mensonge". Il estime qu'il en va de l'avenir du système boursier. "Comment imaginer qu'un actionnaire puisse continuer à confier son argent aux entreprises s'il craint d'être trompé ? La seule solution: que justice soit rendue".


Maître Frédérik-Karel Canoy, un avocat qui affirme représenter plus de cent petits porteurs, dénonce pour sa part auprès de TF1 News des "interventions politiques, des pressions sur le  parquet" en affirmant que "le cabinet d'avocats de Nicolas Sarkozy défendait à l'époque la compagnie générale des eaux et Vivendi dans leurs affaires immobilières". Selon lui, il y a eu chez Vivendi "à partir de 1996 des irrégularités comptables. Le bilan ne reflétait pas la sincérité des comptes. C'est un délit, pas une simple erreur de gestion ! Le but était de faire croire que l'action était solide. Quand on dit devant les journalistes : "cela va mieux que bien", alors qu'il y a un endettement de 30 milliards c'est plus qu'un mensonge". "Il y a eu une véritable propagande, un système sophistiqué. Monsieur Messier utilisait des termes comme le "cashflow" qui n'existent pas juridiquement. Face à cette bouillie financière, les spécialistes n'osaient pas révéler leur ignorance", dénonce encore l'avocat.
Par Olivier Levard le 01 juin 2010 à 18:27
source TF1