vendredi 11 novembre 2011

Les mots durs du jugement du tribunal de Nanterre dans l’affaire du piratage

Avant de prononcer son jugement, la présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, a repris au mot près la phrase terrible qui avait conclu, lundi 24 octobre, le réquisitoire du procureur Benjamin Branchet : "Nul ne doit se sentir autorisé à violer la loi, quels que soient sa fonction, son passé et l'état de ses réseaux d'influence".
La décision rendue, jeudi 10 novembre, dans l'affaire du piratage informatique  reprochée notamment à EDF contre Greenpeace, est aussi dure dans ses mots que dans les peines prononcées. Conformément aux réquisitions du parquet , l'entreprise EDF, renvoyée en qualité de personne morale, est reconnue coupable et condamnée à 1,5 million d'euros d'amende. Le tribunal considère que le piratage de Greenpeace a été mené "dans l'intérêt exclusif d'EDF, qui seule en a tiré bénéfice". Le tribunal relève en outre qu'il "apparaît qu'au-delà de la volonté affichée d'EDF de ne plus avoir recours à ces sociétés d'intelligence économique, le jeu de la sous-traitance permet toujours de confier des missions à ces officines".
A l'encontre des deux cadres d'EDF, l'ancien policier Pierre-Paul François et son supérieur hiérarchique, le contre-amiral Pascal Durieux, le jugement est tout aussi sévère. Le tribunal condamne le premier à une peine de 3 ans d'emprisonnement, dont trente mois avec sursis et le second à trois ans, dont 24 mois avec sursis, assortis d'une peine d'amende de 10 000 euros.
Le tribunal considère que Pierre-Paul François a "menti " en affirmant que, pour EDF, "Greenpeace n'était pas intéressant à espionner". En réponse à la défense du prévenu qui affirmait n'avoir jamais regardé le CD-Rom qui contenait les informations piratées chez Greenpeace - et qui a été retrouvé dans le coffre-fort de son bureau-  le tribunal observe: "Il est inimaginable que le prévenu, ancien policier chevronné, ait pu négliger ainsi une telle source de renseignements concernant la sécurité du parc nucléaire d'EDF".
Concernant Pascal Durieux, le tribunal estime que la "gravité des faits commis par un ancien haut gradé de l'armée faisant appel à une officine pour espionner par des moyens illégaux Yannick Jadot [alors porte-parole de Greenpeace France] - et Greenpeace, justifie une peine sévère".
Les attendus les plus durs visent l'ancien agent de la DGSE et ex-patron de l'agence d'intelligence économique Kargus Consultants, Thierry Lorho, qui a été condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont 2 avec sursis, 4 000 euros d'amende et l'interdiction de gérer pendant 5 ans toute société"ayant pour objet la sécurité, le gardiennage et l'intelligence économique".
"Thierry Lorho n'a pas renoncé à utiliser les moyens et pouvoirs que la loi et sa hiérarchie lui conféraient dans le cadre des missions d'agent de la DGSE au service de l'Etat. Il a voulu, en les vendant au plus offrant sans curiosité ni interrogation, sous couvert de missions prétendument conformes à l'intérêt général, utiliser ces prérogatives ne pouvant être exercées que dans l'intérêt national. En agissant ainsi et donc en transgressant la loi, il a porté atteinte à l'Etat de droit, à la vie privée de ses cibles dans un dévoiement des valeurs républicaines".
Son ancien ami, Jean-François Dominguez, a été condamné à la même peine. Ancien légionnaire, Jean-François Dominguez reconnaissait avoir été le commanditaire du piratage informatique du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) mais niait avoir eu un rôle dans la demande d'intrusion au sein de l'ordinateur personnel de l'avocat Frederick Karel Canoy, alors défenseur des petits porteurs de Vivendi. Le tribunal l'a déclaré coupable dans les deux cas.
Le tribunal accorde d'importants dommages et intérêts aux parties civiles ; 500 000 euros à l'association Greenpeace, 50 000 euros à Yannick Jadot.
Il condamne également les prévenus à verser 71 000 euros à l'Association française de lutte contre le dopage, au titre des préjudices matériel et moral, ainsi que 50 000 euros à l'avocat Frédéric Karel-Canoy.

Espionnage informatique: 1,5 millions d'euros d'amende pour EDF, 12 mois avec sursis pour Floyd Landis

NANTERRE (AP) — Le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné jeudi EDF à une amende de 1,5 million d'euros pour l'espionnage informatique de Greenpeace en 2006. Le groupe et deux de ses cadres devront verser à l'organisation écologiste 500.000 euros de dommages et intérêts.
L'ancien coureur cycliste américain Floyd Landis a lui écopé de 12 mois d'emprisonnement avec sursis pour recel de documents provenant du piratage informatique du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD).
Le procureur de la République avait requis une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis contre le coureur et 1,5 million d'euros d'amende contre EDF.
Huit prévenus étaient poursuivis pour complicité et/ou recel d'intrusion frauduleuse dans un système de traitement automatisé. A savoir le piratage des ordinateurs de Greenpeace et de son ancien directeur des programmes, Yannick Jadot, aujourd'hui député européen Europe Ecologie/Les Verts, du LNDD et de Me Frédérik-Karel Canoy, représentant à l'époque des petits porteurs contre Vivendi.
Trois piratages informatiques réalisés par un "hacker", Alain Quiros, à la demande de Thierry Lorho, responsable d'une société d'intelligence économique, Kargus Consultants.
Les deux cadres d'EDF poursuivis, Pascal Durieux et son adjoint Pierre François, chargés de la sécurité du parc nucléaire, ont été respectivement condamnés à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et 10.000 euros d'amende, et trois ans dont 30 mois avec sursis.
EDF, Pascal Durieux et Pierre François, respectivement ancien amiral et policier, devront solidairement verser 500.000 euros de dommages et intérêt à Greenpeace. M. Durieux va faire appel, selon son avocat, Olivier Metzner, qui conteste ce jugement "moral".
"EDF prend acte du jugement", a déclaré à l'AP son avocat, Me Alexis Gublin. "Nous attendons d'avoir pris connaissance des termes exacts du jugement pour nous prononcer sur l'opportunité d'interjeter appel de cette décision".
"C'est le triple zéro pour EDF. Le nucléaire est une triple faillite pour EDF: technique, financière et maintenant morale", a déclaré Yannick Jadot, ancien directeur des programmes de Greenpeace, après la décision.
"Le jugement est à la hauteur de la gravité des faits", a souligné Me William Bourdon, l'avocat de Frédérik-Karel Canoy. "Si ça peut être un message puissant pour réduire la culture d'impunité qui règne dans ce pays, la justice aura rendu service à la République", a-t-il ajouté.
S'agissant du piratage de Greenpeace, le tribunal a considéré que les deux cadres d'EDF n'ont pas agi "pour leur compte personnel mais dans l'intérêt exclusif" de leur employeur. Ils ont eu "carte blanche pour mettre en place les moyens d'assurer la sécurité du parc nucléaire dans le contexte sensible de la construction de l'EPR", le réacteur de nouvelle génération. Le contrat de veille internet entre EDF et Kargus Consultants n'était qu'un "contrat d'habillage" destiné à masquer le piratage informatique.
MM. Lorho et Quiros ont également été condamnés pour le piratage du LNDD et de l'ordinateur de M. Canoy. Le premier a écopé de trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, 4.000 euros d'amende et interdiction de gérer pendant cinq ans toute société de même type. Le second a quant à lui été condamné à deux ans dont 18 mois avec sursis et 4.000 euros d'amende.
Jean-François Dominguez, intermédiaire entre les commanditaires et MM. Quiros et Lorho dans ces deux derniers piratages, a été condamné à trois ans dont deux avec sursis et 4.000 euros d'amende.
Le cycliste Floyd Landis et l'un de ses proches, Arnie Baker, ont été condamnés pour recel de documents provenant du piratage des ordinateurs. L'ex-vainqueur du Tour de France 2006, déchu de son titre pour dopage, avait tenté de discréditer les éléments du LNDD montrant sa prise d'EPO et de testostérone. L'enquête n'a pas démontré que les deux hommes étaient à l'origine de ce piratage.
MM. Quiros, Lorho, Dominguez, Baker et Landis devront verser solidairement 70.896 euros à titre de dommages et intérêts à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) dont dépend le LNDD.

Les deux premiers ainsi que MM. François, Durieux et EDF devront verser à M. Jadot 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. MM. Quiros, Lorho et Dominguez devront verser 50.000 euros à l'avocat Fréderick-Karel Canoy. 

AP