lundi 21 juin 2010

Le procès Messier entame sa dernière ligne droite

Les plaidoiries des parties civiles du procès Messier ont commencé vendredi 18 juin. La plus attendue était celle de Vivendi. Comment le groupe de communication allait-il justifier de n'être pas sur le banc des prévenus – comme dans le procès qui s'est tenu aux Etats-Unis à la fin de l'année 2009 – mais sur celui des parties civiles ?



A un rythme de mitraillette, Me Hervé Pisani, défenseur de Vivendi, a expliqué que les successeurs de Jean-Marie Messier s'étaient portés partie civile par besoin de "faire la lumière" sur une période trouble, marquée par une "crise de confiance" majeure née de la boulimie d'acquisitions et de la mauvaise gestion de l'endettement de Jean-Marie Messier.
Résultat de cette enquête : presque rien, dit-il. Les comptes n'ont jamais été critiqués et après des années d'enquête de la Commission des opérations de Bourse, après divers jugements dont un aux Etats-Unis, il reste deux communiqués litigieux, une prévision d'endettement inexacte fin 2000 et une transaction aux Etats-Unis "qui ne nous oblige pas à reconnaître une quelconque culpabilité". Sans parler d'une chute des cours qui à"l'évidence ne résulte pas de faits répréhensibles". Habilement, Me Pisani a chargé Jean-Marie Messier sur le détail pour mieux sauver sa gestion sur le long cours. Il a ainsi longuement insisté sur le fait que Vivendi s'était fait un "honneur" de refuser les 20 millions d'indemnités réclamés par Jean-Marie Messier.
COMMUNICATION TROMPEUSE
Mais en plaidant la faiblesse des délits et par conséquent l'inconsistance des preuves sur l'ensemble des faits reprochés – à savoir communication trompeuse, manipulation de cours et délits d'initiés –, Me Pisani a surtout organisé l'innocence présente de Jean-Marie Messier, mais aussi celle de Vivendi en vue d'une demande ultérieure de dommages et intérêts.
Les autres parties civiles défendaient évidemment des thèses inverses. Me Frédéric Karel Canoy a ouvert le feu avec une plaidoirie d'une heure et demie qui a enfoncé le clou le plus évident, celui de l'endettement ingérable du groupe. Concernant les délits de fausse information, il a rappelé les décisions de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en 2004 et l'arrêt de la cour d'appel en 2009 qui ont prononcé des sanctions financières.
Concernant le préjudice subi par les petits porteurs qu'il représente, il a invoqué la "perte de chance" en la basant sur des décisions judiciaires rendues dans des affaires apparentées. Mais surtout, Me Canoy a rappelé qu'il faisait citer Vivendi en décembre prochain, estimant que le groupe est "civilement responsable" de ses anciens salariés et préposés que sont Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo.
THÈSE DE LA CONFIANCE TRAHIE
Me Philippe Valente, qui défendait une seule personne ayant perdu plus de 8 800 euros sur un total de 12 793 euros, a fait valoir que la communication générale de Vivendi en direction des petits actionnaires avait été déloyale. Son client, vivant en province, muni au mieux d'une connexion Internet sur un modem peu rapide, ne pouvait guère "naviguer" comme on le fait aujourd'hui en quête d'informations diverses et variées. Il ne pouvait se fier qu'aux communiqués envoyés à son domicile qui tentaient de le convaincre que la "société était saine" malgré un cours de plus en plus défaillant.
Cette thèse de la confiance trahie a été reprise à son tour Me Edgar Vincensini"Si une majorité de petits porteurs ont choisi de porter leur action aux Etats-Unis cela pose la question de la crédibilité des normes juridiques françaises", a-t-il dit au président du tribunal. Se basant sur les mémos échangés entre M. Hannezo, directeur financier, et Jean-Marie Messier, ex-PDG de Vivendi, il a remarqué comme les deux hommes vivaient sous la pression et dans la crainte des agences de notation. Un appel pour que les choses changent en France.
Yves Mamou

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