mercredi 4 décembre 2013

Maître Canoy : Vivendi, condamnée pour fausse information, joue un double jeu


L’audience du 19 novembre 2013 est consacrée aux plaidoiries des parties civiles victimes des dérives de Vivendi et ses ex-dirigeants, rejugés devant la 5ème chambre de la Cour d’appel de Paris. Deontofi.com publie les quatre principales plaidoiries. Maître Frédérik-Karel Canoy, premier avocat à avoir porté plainte contre Vivendi il y a plus de dix ans, ouvre cette série. (Tout le feuilleton ici)
Première partie de la plaidoirie de Maître Frédérik-Karel Canoy (1 sur 3) :

L’avocat Frédérik-Karel Canoy, défenseur des parties civiles victimes des dérives du patron de Vivendi. (photo © GPouzin)

Vivendi Universal comptait jusqu’à 1 million d’actionnaires quand l’action a chuté jusqu’à son plus bas de 8,62 € en août 2002. Quand Mr Fourtou a repris la direction du groupe, il a dit qu’il connaissait des difficultés financières.

Le 3 juillet 2002, quand la COB a ouvre une enquête sur l’information financière de Vivendi, l’article 2 du règlement COB 98-07 dit que l’information donnée aux investisseurs doit être exacte, précise et sincère (repris par l’article 632-1 du règlement général AMF) :
« Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne ou sens de l’article L 411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ».
L’examen par la COB des principes comptables utilisés par Vivendi conclut que la méthode de consolidation avait influencé l’analyse financière. Le 28 juin 2005, l’arrêt de la Cour d’appel relève qu’elle porte « atteinte au principe d’égalité d’information des investisseurs énoncé par l’article L 612-14 du Code monétaire et financier ».

Par ordonnance du 16 octobre 2009, le juge d’instruction d’Huy a renvoyé l’affaire devant le Tribunal de grande instance.
-         Excusez-moi, Maître, on ne parlera pas de la manipulation de cours dont ils ont été relaxés, intervient la présidente.
-         Ce ne sera pas évoqué, même par allusion, assure aussitôt Maître Canoy. Le 21 janvier 2011 ils ont été reconnus coupables de fausse information ayant influencé le cours de l’action et d’abus de biens sociaux. Monsieur Messier a été condamné à 150 000 euros d’amende et trois ans de prison avec sursis, Mr Hannezo à 850 000 euros et quinze mois avec sursis, et Mr Licoys a 850 000 euros et six mois avec sursis, il avait fait appel dans un premier temps mais s’est désisté par ordonnance du 4 mars 2012.

Frédérik-Karel Canoy évoque ensuite les cas de certaines des parties civiles qui se sont désistées, insistant en filigrane sur la capacité de la justice à décourager les victimes dans cette affaire qui dure depuis douze ans : l’un vient de fêter ses cent ans et n’a plus le courage de se lancer dans des procès, un autre a demandé à ne pas poursuivre sa procédure pour ne pas alourdir ses pertes.

Le 3 novembre 2004, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé une amende à Vivendi et Jean-Marie Messier pour manquements suit à leur diffusion d’information trompeuse. Cette condamnation est devenue définitive, suite à un arrêt de la Cour d’appel du 28 juin 2005 qui a retenu l’information mensongère, confirmé par un renvoi de la Cour de Cassation et un nouvel arrêt d’appel du 29 septembre 2009.
J’attire l’attention de la Cour sur l’importance capitale du réquisitoire de l’avocat général sur certains points qui n’avaient pas été évoqués en première instance par madame le procureur. Les décisions évoquées ont établi de façon incontestable les éléments matériels des infractions poursuivies, à savoir la diffusion d’informations fausses ou trompeuses.
Je démontrerai le caractère intentionnel de l’infraction.
L’enquête a choisi d’examiner les communiqués de décembre 2000 à juillet 2002. Ce sont des dates arbitraires. On aurait pu prendre tous les communiqués depuis la nomination de Jean-Marie Messier comme président. A mon avis, la communication a été mensongère dès le départ. Entre 1996 et juillet 2002, est-ce que la durée ne permet pas de caractériser l’intention, sachant que l’intervalle d’examen de l’information a été réduit par la COB de façon discrétionnaire ?
Quand on lit les communiqués euphoriques de Vivendi, cette communication intensive proche d’une certaine propagande ne marque-t-elle pas le caractère intentionnel ?
Il y a très peu de jurisprudence sur cette question. Mais comme par hasard, elle apparaît surtout depuis 2000 avec la bulle internet à chaque fois qu’il y a des condamnations pour cette communication mensongère.

Comme je l’ai dit, hors de ces communiqués que l’on retrouve dans cette décision de justice, il est intéressant d’en aborder d’autres, même s’ils sont hors de la prévention (NDLR, acte par lequel la justice notifie les faits reprochés aux accusés).
Et côté américain, même si la justice française est indépendante de la justice américaine, ces faits ont déjà été jugés outre-Atlantique. Ils ont aussi un gendarme de la Bourse, la SEC, qui condamné ces faits. Même si mes confrères plaident qu’il n’y a pas eu de reconnaissance de culpabilité des accusés, quand on vous demande 50 millions de dollars d’amende, c’est quand même que vous avez fait quelque chose. Et qui a payé ? Encore les petits porteurs. Monsieur Messier a également été condamné à une amende d’un million de dollars et une interdiction de siéger au conseil d’une société cotée pendant dix ans. Cette décision précise que l’information était trompeuse et qu’elle violait la réglementation boursière américaine.

Il y a eu à New York pendant quatre mois des jurés qui, après délibéré, ont considéré à l’unanimité que Vivendi Universal était responsable. J’en parle car Vivendi Universal, depuis le départ, joue un double jeu à tout point de vue. Vivendi a pour habitude de poursuivre en vue de condamnation les auteurs d’articles qui lui déplaisent. Mais Vivendi a été condamnée pour diffusion de fausse information ayant influencé le cours de l’action.

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