jeudi 28 juin 2012

Actionnaires : Société Générale responsable mais pas coupable ?


La Société Générale conteste les demandes des autres parties civiles, mais les avocats des actionnaires et des salariés estiment qu'elle est aussi coupable et doit indemniser leurs clients.

La dixième audience du procès en appel de Jérôme Kerviel, le 25 juin dernier, était consacrée à la plaidoirie des parties civiles : la Société Générale et ses trois avocats (Jean Reinhart, Jean Veil et François Martineau); des actionnaires salariés défendus par maîtres Daniel Richard et Richard Valeanu ; et d'autres actionnaires, petits porteurs ou institutionnels, représentés par maître Frédérik-Karel Canoy.

Dans son jugement du 5 octobre 2010, le tribunal correctionnel avait déjà jugé que "la gravité de la situation et des menaces (...) justifient de la réalité d'un préjudice moral personnel direct
ouvrant droit à réparation", dont la Société Générale devait indemniser deux salariés-actionnaires plaignants. Leur avocat Daniel Richard demande que ce dommage soit réévalué de 2 500 à 10 000 euros et que le préjudice matériel, c'est-à-dire la perte sur l'épargne des actionnaires-salariés, soit aussi indemnisé : «Premièrement, la Société Générale doit répondre de ses fautes dans le défaut de surveillance qui a été sanctionné par la Commission bancaire, explique Daniel Richard. Deuxièmement, elle est responsable des agissements de ses préposés. Nous espérons que la cour d'appel reconnaîtra la part de responsabilité pénale de la banque et confortera le procès civil que nous avons intenté contre la Société Générale au nom des actionnaires salariés.» A la suite de l'assignation déposée, fin 2010, au tribunal de Nanterre avec le soutien de l'Association des actionnaires salariés et anciens salariés de la Société Générale (*), l'audience de ce procès vient d'être fixée au 14 janvier 2013.

Même si les audiences de ce procès d'appel n'ont pas apporté de révélations spectaculaires, expliquant peut-être la place laissée aux bons mots et autres diversions, certains détails laissent croire que le premier jugement pourrait être révisé : «Pour la première fois, Daniel Bouton a fait un aveu de sa responsabilité et la greffière l'a bien noté !», rappelle Frédérik-Karel Canoy. Au-delà des excuses symboliques de l'ancien PDG aux actionnaires, l'avocat aimerait convaincre la cour de la responsabilité pénale de la banque.

Ses arguments s'inspirent du droit et de la jurisprudence. L'avocat cite l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, selon lequel «les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés», invoque les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale reconnaissant la légitimité de l'action civile des actionnaires, rejetée en première instance, alors qu'ils ont bien été victimes «du dommage directement causé par l'infraction», c'est-à-dire la chute de l'action. Il rappelle des décisions ayant fait jurisprudence, notamment le jugement du 19 septembre 2006 et l'arrêt du 17 octobre 2008 de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire Sidel, selon lesquels «le préjudice direct et personnel subi par les actionnaires, en achetant ou en conservant une action aux perspectives prometteuses surévaluées, est distinct de celui subi par la société elle-même».

Frédérik-Karel Canoy aussi prépare des procès civils, en particulier pour le compte d'actionnaires institutionnels américains clients du cabinet d'avocats américain Robbins réputé pour ses class actions aux Etats-Unis, notamment Enron, qu'il représente en France. Sur le plan moral, l'avocat souligne aussi que la justice pénale ne doit pas faire deux poids deux mesures : «Pourquoi Jérôme Kerviel serait-il condamné à trois ans de prison ferme, alors que Jean-Marie Messier, coupable d'abus de bien social et de diffusion de fausses informations trompeuses aussi catastrophiques pour ses actionnaires, n'a été condamné qu'à trois ans avec sursis?»

Jeudi 28 juin, la dernière audience est consacrée à la plaidoirie de la défense.
source: G. Pz.

mercredi 27 juin 2012

Lourde condamnation américaine pour Vivendi



Me Hervé Pisani, Jean-Réné Fourtou et Jean-François Dubos lors de la première class action (AFP)

Jamal Henni

Un jury populaire a condamné le groupe français a payer la somme record de 765 millions d'euros à Liberty Media, le groupe du magnat américain du câble John Malone. Celui-ci accusait Vivendi de l'avoir "arnaqué" en le payant en actions lors d'un rachat il y a dix ans.

Finalement, le remake aura été pire que le premier épisode. Lundi, un jury d'un tribunal new yorkais a condamné Vivendi à payer 765 millions d'euros à Liberty Media. Le groupe du magnat américain du câble John Malone avait porté plainte en 2003 pour "fraude, déclaration trompeuse et dissimulation", accusant le groupe français de l'avoir "arnaqué".
Précisément, John Malone avait hérité d'un gros paquet d'actions Vivendi il y a dix ans, en échange de sa participation dans USA Networks, alors racheté par Jean-Marie Messier. Il détenait 37,4 millions d'actions, soit 3,5% du capital du français. Mais il a fait une très mauvaise affaire : en décembre 2001, lorsque le rachat d'USA Networks est annoncé, ces actions Vivendi valent 2,1 milliards d'euros. Lorsque l'accord est finalisé en mai 2002, elles ne valent plus que 1,3 milliard. Et seulement 666 millions d'euros quand Liberty Media les revend à l'automne 2003.

Jury populaire

Dans sa plainte, Liberty Media accusait Vivendi de l'avoir convaincu d'être payé en actions plutôt qu'en cash, notamment car cela était fiscalement plus avantageux pour Liberty Media. Selon la plainte, Vivendi affichait "de bons résultats d'exploitation et de solides prévisions", en masquant "la gravité de ses problèmes de liquidité", et en "gonflant artificiellement" son cours de bourse à coup de rachats et de déclarations trompeuses. 

Finalement, le procès s'est ouvert il y a un mois devant un jury populaire du tribunal du district sud de New York et a duré 4 semaines, suivi de deux jours de délibérations.

"Vivendi doit payer"

Me Michael Calhoon, l'avocat de Liberty Media, a produit devant les jurés les notes internes alarmistes rédigées à l'époque par Guillaume Hannezo, directeur financier de J2M. "Ces notes internes parlent de ce qui se passait réellement à l'intérieur de la société, alors que la société disait au public et à Liberty Media des choses totalement différentes", a déclaré Me Calhoon. Certes, Liberty Media a accepté d'être payé en actions, prenant ainsi "le risque d'une chute du cours, mais pas le risque d'une fraude". Vivendi doit donc "payer pour cette fraude".
Réponse de Me Jim Quinn, avocat du groupe français: "Liberty Media n'a rien fait pour enquêter sur les problèmes de Vivendi, malgré tous les signaux d'alerte".
En pratique, les deux parties ont appelé à la barre une série d'experts, mais pas les anciens dirigeants de Vivendi. Les plaignants ont juste diffusé en vidéo un court extrait d'un interrogatoire de J2M où l'ancien PDG apparaît fuyant et peu sympathique. "Les jurés ont indiqué ensuite que cette vidéo les avait marqués", raconte un avocat. Finalement, les 12 jurés populaires ont chiffré le dommage à près de 20,5 euros par action, soit presque autant que ce que réclamait Liberty Media (22,5 euros par action).

Doubler la condamnation

Immédiatement après le verdict, Vivendi a promis de faire appel. Le groupe français "considère qu'il existe de nombreux motifs de faire appel, et reste convaincu qu'il n'a commis aucun manquement. Il continuera de se défendre avec force, les motifs pour interjeter appel étant nombreux". De son côté, le magnat de Denver a annoncé qu'il allait réclamer en outre des intérêts sur la somme obtenue. Cela pourrait quasiment doubler l'addition pour le groupe français, a affirmé un avocat de Liberty Media.

Première class action

A noter qu'il y a deux ans, dans une « class action » (procédure collective), un autre jury avait reconnu Vivendi coupable et chiffré le dommage jusqu'à 11 euros par action maximum. Vivendi a fait appel mais a entre-temps passé une provision de 100 millions d'euros suite à ce premier procès. En revanche, Vivendi n'a jamais indiqué avoir passé la moindre provision pour le procès avec Liberty Media. A noter que ces deux procédures, qui portent toutes deux sur la gestion de l'ère Messier et se déroulent devant le même tribunal, étaient même initialement jointes, avant d'être in fine séparées.
Le procès Liberty Media a été bien plus court que celui de la "class action", car il a considéré comme acquis toute une partie du premier verdict, qui n'a donc pas été rejugé une seconde fois. Cette partie concerne une série de 25 déclarations faites par Vivendi sous l'ère Messier, qui ont été jugées "trompeuses" il y a deux ans, et ont donc été à nouveau considérées comme "trompeuses". Ce choix a été effectué par le tribunal il y a 4 mois à la demande de Liberty Media et contre l'avis de Vivendi.
Toutefois, "si Vivendi gagne en appel sur le premier procès en class action, cela va automatiquement infirmer cette nouvelle décision", a déclaré à l'AFP Me Hervé Pisani, avocat du groupe français. Ce dernier ne croit pas que Vivendi devra payer en sus les intérêts a Liberty Media: "cela avait été exclu par le juge dans le premier procès", dit-il.



Source: La Tribune

Liberty Media: Vivendi va contester sa condamnation à 765 mlns d'euros de dommages-intérêts


PARIS (Dow Jones)--Le groupe de médias Vivendi (VIV.FR) a annoncé lundi soir qu'il allait contester le verdict rendu par la justice américaine dans un procès intenté par Liberty Media.

"Le groupe entend user de toutes les voies de recours existantes pour faire annuler la décision ou réduire le montant des dommages-intérêts", a déclaré Vivendi dans un communiqué, ajoutant: "Vivendi considère qu'il existe de nombreux motifs de faire appel et reste convaincu qu'il n'a commis aucun manquement".

Lundi, le tribunal fédéral du district sud de New York a condamné Vivendi à verser 765 millions d'euros de dommages et intérêts à Liberty Media, dans le cadre d'un litige opposant les deux groupes au sujet de la vente de la participation de Liberty Media dans USA Networks à Vivendi en échange d'actions du groupe français.

Dans sa plainte déposée en 2003, Liberty accusait les dirigeants de Vivendi de l'avoir trompé sur la situation financière de la société française avant l'accord sur USA Networks, conclu en décembre 2001.

Six mois après l'annonce de la transaction, Vivendi avait été affecté par une crise de liquidités qui a entraîné le départ du patron du groupe, Jean-Marie Messier. Vivendi, qui à l'époque était connu sous la dénomination sociale Vivendi Universal, avait par la suite vendu des actifs pour réduire sa dette.


-Marion Issard, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 75; marion.issard@dowjones.com

Source: BFM Business

Vivendi: la justice américaine donne raison à Liberty Media


La justice américaine a donné raison lundi au groupe américain Liberty Media qui accusait le français Vivendi de "fraude, déclaration trompeuse et dissimulation" sur sa crise de liquidités en 2003. | Pierre Verdy

La justice américaine a donné raison lundi au groupe américain Liberty Media qui accusait le français Vivendi de "fraude, déclaration trompeuse et dissimulation" sur sa crise de liquidités en 2003.
Un grand jury d'un tribunal de Manhattan, à New York, a conclu que Vivendi devrait payer jusqu'à 765 millions d'euros (environ 956 millions de dollars) à Liberty Media, groupe de l'homme d'affaires John Malone, à titre de compensation.



"Vivendi conteste le verdict rendu par un jury ce 25 juin 2012 dans un procès intenté par Liberty Media Corporation et certaines de ses filiales devant le tribunal fédéral du District sud de New York", a aussiôt commenté le groupe de médias dans un communiqué.

"Le groupe entend user de toutes les voies de recours existantes pour faire annuler la décision ou réduire le montant des dommages et intérêts", ajoute-t-il.

Un avocat français travaillant avec l'équipe de défense américaine du groupe, Hervé Pisani, a expliqué à l'AFP que Vivendi allait déposer "dans les prochains jours" des motions contestant la validité juridique du verdict rendu lundi.

Si le tribunal donne raison à Vivendi, "un nouveau procès aura lieu", a indiqué M. Pisani. Dans le cas contraire un jugement est attendu à partir de la fin août, et s'il est négatif pour Vivendi, le groupe fera appel.

"Vivendi considère qu'il existe de nombreux motifs de faire appel et reste convaincu qu'il n'a commis aucun manquement", précise le communiqué.
Comme lors du procès lié à la plainte en nom collectif d'actionnaires en 2009-10, il s'agit d'un procès remontant à la spectaculaire stratégie d'expansion menée par le PDG d'alors Jean-Marie Messier, qui avait fini par être évincé en 2002 une fois le groupe arrivé au bord de la faillite.
Jean-Marie Messier avait été dédouané en janvier 2010 par un jury new-yorkais d'accusations de tromperie sur la santé financière de Vivendi, mais le groupe lui-même avait été jugé coupable. Il encourt des dommages et intérêts qui pourraient dépasser 4 milliards de dollars. Le montant de la condamnation n'a toujours pas été décidé.

"Tout le procès était basé sur le fait que le jury devait considérer que les communiqués de Vivendi étaient faux" ou trompeurs, dans la lignée de la +class action+, le procès en nom collectif intenté par des actionnaires, a expliqué Hervé Pisani.
Donc, "si nous gagnons en appel sur le premier procès en +class action+, cela va automatiquement infirmer cette décision", a ajouté le conseil de Vivendi.
Liberty Media, groupe de l'homme d'affaires John Malone, a pour sa part annoncé qu'il avait reçu un "verdict favorabe" face à Vivendi.
"Liberty a l'intention de chercher à obtenir le versement d'intérêts pré-jugement" sur la somme de 765 millions d'euros encourue par Vivendi, tout en reconnaissant que le jugement final ne serait rendu que plus tard.

Liberty Media s'était retrouvé actionnaire en 2001 en raison de sa participation dans un groupe racheté à l'époque par Vivendi, USA Networks.
Liberty Media avait porté plainte contre Vivendi en 2003, l'accusant de "fraude, déclaration trompeuse et dissimulation".
Selon le texte de la plainte, qui vise aussi les anciens dirigeants du groupe pour "enrichissement injuste", Vivendi avait convaincu fin 2001 Liberty Media de recevoir des titres du groupe plutôt que du numéraire pour racheter sa participation, parce que cela lui évitait d'avoir à sortir des liquidités qui se faisaient rares.

Vivendi avait alors fait miroiter que c'était fiscalement avantageux pour Liberty Media.
Dans le même temps, affirme Liberty Media dans sa plainte, Vivendi "gonflait artificiellement" le cours de ses actions à coup de rachats et de déclarations trompeuses.
En décembre 2001, Liberty Media avait ainsi accepté de recevoir plus de 37 millions de titres Vivendi au prix de 50 dollars, devenant le deuxième plus gros actionnaire du groupe.
Au total, a rappelé Liberty Media, l'action Vivendi - et donc son investissement - a perdu 80% de sa valeur durant l'année 2002.



Source: Le Parisien

mardi 26 juin 2012

Procès Kerviel: suivez en direct le dixième jour d'audience



La dixième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce lundi 25 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui les plaidoiries des parties civiles.



Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, le compte-rendu de la huitième journée d'audience et le compte-rendu de la neuvième journée d'audience.

Lundi 25 juin
10h00. "C'est le bordel le plus total dans cette Société Générale !"

Me Frédéric Karel Canoy plaide à son tour pour sept petits actionnaires, d'une voix de stentor, en faisant les cent pas entre son micro, derrière les parties civiles et la Cour.
"Je sais, Mme la présidente, que vous n'aimez pas beaucoup la science-fiction, ni le romantisme, mais n'ignorons pas nos classiques. Dans Le Cid, de Corneille : "Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port". Nous ne sommes que sept, mais il se peut que nous arrivions à 500 000 au port, puisqu'il y a 500 000 actionnaires."
Un peu plus tard : "C'est le bordel le plus total dans cette Société Générale ! Comment a-t-on pu arriver à cette prise de position de 50 milliards ? On parle de 4,9 milliards d'euros de pertes. Il était question que la Société Générale ait un geste royal et ne réclame pas cette somme. Mais est-ce que c'est véritablement 4,9 milliards ? Rien ne permet de dire de manière objective que le débouclage a généré une perte de 4,9 milliards. J'ai des doutes sur le débouclage. M. Bouton dit qu'il est responsable de tout. Il assume. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas responsable civilement."
Me Canoy se lance maintenant dans la démonstration de la recevabilité de sa demande. Puis pose la question de l'évaluation du préjudice moral, puis de l'indemnisation au pénal et au civil.
Me Canoy demande à la Cour d'accorder 90 euros par action au titre du préjudice matériel et 10 euros par action au titre du préjudice moral.

Les plaidoiries reprendront à 14h.

9h30. "J. Kerviel est le fils spirituel de Daniel Bouton, son fils maudit"
C'est au tour de Me Daniel Richard, représentant des salariés épargnants aux côtés de Me Valeanu. "Comment tout cela a-t-il pu arriver ? Il y a deux thèses en présence : la Société Générale savait tout pour la défense, la banque ne savait rien pour la Société Générale, et entre les deux je vous propose celle du bon sens : la banque aurait dû savoir.
Je parle couramment le Bouton, le Kerviel, et même le Mustier et le Houbé. Quand Daniel Bouton [PDG de Société Générale à l'époque des faits] parle de l'affaire J. Kerviel il dit l'épouvantable accident. Effectivement, une conjonction d'éléments ont conduit à quelque chose qui n'aurait pu être qu'un incident si les systèmes de contrôle avaient bien fonctionné. Dans cette affaire c'est un peu le poids des mots, le choc des zéros.
Je crois que Daniel Bouton, maintenant qu'il est à la retraite, a complètement oublié ce qu'est une salle de trading. Quand vous mettez des ordinateurs, sortes de game boy, entre les mains de jeunes traders, c'est assez pousse-au-crime. Quand vous leur tenez le discours "Enrichissez-vous", vous avez un jour un plomb qui saute. Ca a été J. Kerviel, ça aurait pu être un autre. Aujourd'hui, J. Kerviel est le fils spirituel de Daniel Bouton, son fils maudit. Philippe Houbé [témoin de la défense] a déclaré que J. Kerviel tournait comme un avion. Nous avons eu beaucoup de chance que Daniel Bouton n'ait été que banquier. Imaginons qu'il ait été contrôleur aérien, aiguilleur du ciel... "
Un peu plus tard, Me Richard insiste sur l'issue du jugement : "Nous souhaitons que ce jugement soit revu, nous ne souhaitons pas du tout que J. Kerviel retourne en prison. Nous souhaitons qu'il travaille et qu'il nous envoie de temps en temps quelques milliers d'euros. Nous nous demandons si la meilleure peine ne serait pas un sursis avec mise à l'épreuve et obligation de travailler dans la banque de détail. Tourner la page Kerviel, ce sera avec un jugement mesuré qui rappellera les responsabilités de chacun."
Il conclut en disant : "La Société Générale est une vieille dame, mais elle soulève encore beaucoup de passion".

9h10. De l'équilibre entre l'art de tomber et l'ivresse de rester debout

Ce matin, alors que débutent les plaidoiries, le public est clairsemé, et la plupart des journalistes ont déserté.
Me Richard Valeanu, avocat représentant cinq salariés et anciens salariés épargnants de Société générale, ouvre les plaidoiries. Il introduit ses propos en remerciant la Cour de sa patience et de son humour.
"Il y a de la souffrance et de l'indignation. Et ces salariés viennent demander réparation de cette souffrance et de leurs préjudices".
Il demande une élévation des indemnités de 2500 euros par salarié convenues en première instance au titre du préjudice moral, mais également la recevabilité du préjudice matériel, qui avait, lui, été écarté en 2010.

Il poursuit : "Quels que soient les éléments nouveaux, à notre sens, la culpabilité de Jérôme Kerviel reste établie, comme en première instance ".
Quelques minutes plus tard : "Un trader est quelqu'un qui gère ses risques. Mais J. Kerviel a pris tous les risques, et ne les a pas gérés. Le métier de banquier est de contrôler les risques. Le moins que le puisse dire, c'est que le contrôle de la Société Générale a été défaillant.
Alors à qui avons-nous à faire ? J Kerviel a des traits communs avec A. Ivanovic, "Le joueur" de Dostoïevski. C'est très intéressant la psychologie du joueur. C'est un équilibre entre l'art de tomber et l'ivresse de rester debout. On reproche à J. Kerviel d'avoir voulu faire sauter la banque, mais comme dans tous les casinos, la banque gagne toujours.
Revenons à la réalité : J. Kerviel doit payer ses dettes. Alors que J. Kerviel n'avait pas eu un mot d'excuses en 2010, il a dit la semaine dernière que ses excuses allaient vers les salariés.
Je voudrais que l'on réalise ce que c'est que ce gâchis. » Là, Me Valeanu se lance dans différents exemples de ce que représentent 5 milliards d'euros.
Concernant le préjudice matériel, Me Valeanu décortique d'abord comment est bâti le salaire des employés de Société Générale, dont fait partie l'épargne salariale.
"De combien le marché s'est-il effondré en 2008 : de 43% pour le CAC40. L'événement spécifique en 2008 est celui dont nous parlons. Il y a eu une crise de confiance sur les marchés. Une perte à la Bourse c'est comme un marathon. Quand vous perdez un kilomètre, vous ne le rattrapez jamais. Les deux tiers de l'épargne de ma cliente, Mme Vuillemin ont disparu."



Source: Laura Fort

Frédérik-karel Canoy, avocat, était l'invité de RTL Soir



Découvrez l'intérêt de " la class action" à la Française.




vendredi 22 juin 2012

"M. Kerviel a transformé la Société générale en banque casino"

Appelé à témoigner au procès en appel de l'ancien trader, l'ex-patron de la SocGen Daniel Bouton a balayé la théorie du complot.



Jérôme Kerviel et Daniel Bouton, l'ex-trader et l'ex-P-DG de la Société générale, étaient face à face au tribunal le 21 juin. © Martin Bureau / AFP

Il est attendu. Très attendu. Daniel Bouton, l'ancien P-DG de la Société générale, fait son entrée à 17 heures dans la salle d'audience où est jugé son ancien employé. La démarche sûre, habillé d'un costume gris rayé, boutonné de la Légion d'honneur, l'homme s'avance vers la barre. Il est à deux pas de Jérôme Kerviel. Mais les deux hommes n'échangent aucun regard. À la main, l'ancien patron tient une sacoche. À l'intérieur, des documents sur "l'affaire" et deux livres sur la crise des subprimes. L'homme a préparé son intervention.

À l'aise, celui qui a été poussé à la démission en 2009 après avoir dirigé la Société générale durant onze ans reste encore aujourd'hui le meilleur défenseur de la banque. Devenu consultant indépendant dans le domaine financier, l'ancien P-DG raconte son "19 janvier", le jour "où le ciel lui tombe sur la tête". Dans son bureau du 35e étage de la tour de la SG à La Défense, Daniel Bouton prépare une réunion importante liée à la crise financière. Il a convoqué un conseil d'administration. Un état des comptes est demandé et ses équipes sont sur les rangs. "On m'informe alors qu'il y a un problème", raconte, les bras croisés, Daniel Bouton. "Il est possible qu'il y ait un faux dans les comptes", lui dit-on.

"Jérôme Kerviel est un dissimulateur épouvantable"

"Comprenez bien, Mme la Présidente, que notre métier repose sur la confiance. Il n'y a pas pire que la situation où un établissement fait face à une écriture fallacieuse. Le monde s'écroule, un peu." Et de poursuivre, la voix claire mais teintée d'émotion : "J'apprends que Jérôme Kerviel a construit une position longue de 50 milliards d'euros. La vie de dizaines de personnes, dont la mienne en particulier, mais ça, ce n'est pas grave, va basculer." "On sait alors que Jérôme Kerviel est un dissimulateur épouvantable."

"Comment expliquez-vous ce qui a pu se passer ?" l'interroge, impatiente, la présidente Mireille Filippini en relisant méthodiquement les conclusions - accablantes - de la commission bancaire qui a pointé de nombreux dysfonctionnements dans le système de contrôle interne de la Société générale.

"À la tête de la Société générale, j'ai approuvé le principe de construction de petites équipes de traders qui devaient prendre de petites positions. Cela permettait de dérisquer sensiblement le risque opérationnel. Mais tout ça ne protège pas contre ce risque-là", argue-t-il en se tournant vers Jérôme Kerviel. "Quand l'homme avec qui vous travaillez, en qui vous avez confiance, qui répond à vos questions, mais qui en réalité vous enfume complètement (sourire de Kerviel), il faut alors avoir une autre organisation pour s'en apercevoir, et nous ne l'avions pas. Il nous manquait deux choses : une centralisation par nom du trader, si on l'avait eue, on aurait vu le nombre anormal d'annulations passées. Il nous manquait probablement aussi une cellule anti-fraude."

"Terroriste"

S'avance alors l'un des trois avocats de la banque, Me François Martineau : "Un témoin affirmait ce matin qu'il valait mieux que la Société générale avoue ses pertes de rogue trader (trader fou, NDLR) que ses pertes liées aux subprimes..."

"Ça, c'est n'importe quoi. Les bras m'en sont tombés quand j'ai lu la théorie du complot", explique en joignant le geste à la parole Daniel Bouton. "C'est du même niveau que lorsqu'on nous dit pour le 11 Septembre que les images de l'avion qui rentre dans les tours sont fausses. S'il y avait complot, il faudrait admettre que c'est moi qui recevais, la nuit, M. Kerviel en vêtement invisible pour lui donner les consignes", assène Bouton.

"Comment expliquez-vous cette défense ?" lui demande Me Reinhardt, l'un des avocats de la banque.

"Il s'est enfermé dans un système où il ne peut pas se dire la vérité à lui-même, tel un Shadok qui s'enfonce dans sa conviction d'accroître son bonus." "C'est bon, c'est bon", murmure dans son coin l'ancien trader, excédé par les propos qu'il vient d'entendre.

"La vérité ne peut venir, le moment venu, que de la bouche de Jérôme Kerviel", ajoute Daniel Bouton.

"Regrettez-vous aujourd'hui le terme de terroriste dont vous aviez qualifié Jérôme Kerviel en première instance ?" lui demande Me Frédéric Karel Canoy, qui représente les petits actionnaires.

"Le montant de 50 milliards est un montant létal et échappe à la raison. (...) Nous pensions à l'époque qu'il y avait peut-être d'autres Kerviel dans d'autres banques et qu'il s'agissait d'un acte terroriste. J'aurais peut-être pu m'abstenir. Ce type de position n'était le fait que d'un voleur", admet l'ancien P-DG. "M. Kerviel a transformé la Société générale en banque casino, ajoute-t-il. Notre métier n'est pas de prendre des positions directionnelles. Le métier dans une salle de marché, ce sont des gens qui arrivent à gagner des sommes petit à petit", explique l'ancien patron, impatient d'en découdre avec Me David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel, qui attend son tour...

Incroyable

Muni d'une canne, pour cause de mal de dos, celui-ci attaque bille en tête. "Avant la mise en route de la communication de la Société générale, toute la place disait qu'un seul opérateur aurait floué la banque. Personne n'y croyait. A-t-il été nécessaire d'envoyer un autre signal pour retourner l'opinion publique et journalistique ? Comment avez-vous fait pour renverser la vapeur ?"

Piqué au vif, Daniel Bouton répond non sans ironie : "Je ne suis pas fort en procédure pénale, mais je voudrais qu'il soit noté qu'un grand avocat parisien vient de reconnaître que ce qu'a fait son client est totalement incroyable pour toute la place. Je vous félicite de votre franchise." Les rangs de la SocGen jubilent. La salle rit. Daniel Bouton, sacrifié dans cette affaire, reste décidément le meilleur avocat de la Société générale.



Source: Le point, JAMILA ARIDJ

Procès Kerviel: suivez en direct le neuvième jour d'audience

La neuvième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 21 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui différents témoins à la barre, parmi lesquels Daniel Bouton, ancien président de la banque.






Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, et le compte-rendu de la huitième journée d'audience.

Jeudi 21 juin

20h40. L’audience est levée. Les débats sont terminés. Rendez-vous lundi 25 juin, pour les plaidoiries des parties civiles.

20h05. J. Kerviel :"Je n’attends qu’une chose, c’est que ce calvaire se termine, pour moi, pour mes proches, pour la vérité et pour la justice"
Jean-Raymond Lemaire, dirigeant d’une société de conseil dans le domaine informatique, sera le dernier témoin de la journée, cité par la défense.
L’homme, de belle carrure, cheveux gris et moustache, s’exprime d’une voix posée.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel l’interroge : Comment avez-vous rencontré J. Kerviel ?
J-R L : Une avocate que je connais bien, Me Meyer m’a appelé pour me demander de rencontrer son client, J. Kerviel.
DK : Vous avez embauché J. Kerviel par la suite. Pendant combien de temps ?
J-R L : De mars 2008 à janvier 2011, sachant qu’il travaillait à mi-temps en 2010. Je l’ai embauché pour l’aider. Il gérait la comptabilité, la trésorerie et le contrôle de gestion. C’est pas un pro d’informatique, mais c’est un pro d’excel.
DK : Vous embauchez une personne condamnée ?
J-R L : La décision est prise quand vous vous trouvez avec quelqu’un qui peut être votre fils et qui a besoin d’aide. Il est gentil, aimable, poli, très correct.
DK : Il a trahi votre confiance ?
J-R L : Pas encore.
DK : Vous êtes ce qu’on peut dire un témoin de moralité. Que pourriez-vous dire sur qui est J. Kerviel, en dehors des fantasmes qu’on entend ?
J-R L : C’est pas un génie, ça se saurait. C’est un gentil garçon. Il fait les choses qu’on lui dit. C’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’initiative. Il avait un petit défaut : il n’arrivait pas de bonne heure, mais il ne partait pas de bonne heure non plus.
DK : Honnête ou malhonnête ?
J-R L : Honnête pour moi.
DK : Il lui est reproché d’avoir médiatisé son cas. Il a envie d’être exposé ?
J-R L : S’il y a des gens qui se sont exposés dans ce dossier, ce sont les avocats.
Lesquels ? demande la présidente.
La salle rit, Me Koubbi, rouge, éclate de rire aussi.
J-R L : Je lui ai donné un seul conseil, parler un minimum. A ce moment-là, les photos étaient mises à prix. J’avais interdit à mes collaborateurs de le prendre en photo. Et un jour, on est allés chez le coiffeur pour dames et on a envoyé une photo à l’AFP.
DK : Vous avez le sentiment, quand il a été décrit, que c’était le J. Kerviel que vous connaissiez ?
J-R L : Il y a un J. Kerviel d’avant, que je n’ai jamais connu. Moi j’ai connu un J. Kerviel gamin, qui parlait tout bas en regardant par terre.
DK : Comment le trouvez-vous en ce moment ?
J-R L : On ne s’appelle pas tous les jours. On déjeune ensemble de temps en temps. Il faut que ça se passe. Il faut que ça s’arrête.
Le témoin est libéré et la présidente appelle J. Kerviel à la barre : Que pouvez-vous nous dire sur vous ?
J. Kerviel se lance alors dans une grande tirade, la voix grave et parfois la gorge serrée par l’émotion : On m’a demandé plusieurs fois en première instance « Qui êtes-vous M. Kerviel ? ». Mais en fait je ne la comprenais pas cette question.
J’ai été éduqué dans une famille qui a des valeurs, où l’argent n’est pas au centre. La valeur principale est la valeur travail. Ma mère tenait un salon de coiffure et systématiquement j’allais y travailler le week-end. Quand M. Bouton dit que l’intérêt que je poursuivais c’était le bonus, je le prends comme une insulte. Ces mots-là me blessent et blessent mes proches. Quand je suis rentré à la Société Générale, on m’a petit à petit inoculé de nouveaux codes. Pendant quatre ans, ma parole a été mise en doute et j’ai toujours dit la vérité. J’ai certainement évolué pendant mes années à la Société Générale. Je ne courais pas après le poste de trader. Je n’ai jamais eu de complexe d’infériorité. Et j’étais fier d’avoir eu ce poste. Mon objectif était de ramener le maximum d’argent pour la banque, de faire bien mon boulot, c’était une passion, j’y passais mes jours et mes nuits. J’ai très certainement été déconnecté de la réalité. J’ai été blessé et choqué pendant toutes ces années de me faire accuser d’avoir inventé un système frauduleux, alors qu’on m’encourageait à le faire.
Je me suis pris un coup de batte de baseball dans la tête en janvier 2008, parce voir que le monde dans lequel je vivais et une entreprise que j’aimais, pour moi c’était une famille, voir comment ces gens-là m’ont lâché du jour au lendemain, ça m’a aussi blessé.
Ma mère a développé une maladie pendant cette affaire, elle est aujourd’hui en fauteuil roulant. Elle a eu un accident récemment, elle a failli mourir. Je n’attends qu’une chose, c’est que ce calvaire se termine, pour moi, pour mes proches, pour la vérité et pour la justice.
DK : Vous avez appris des choses depuis que vous êtes devenu trader ?
JK : Je me suis rendu compte de la virtualité des relations humaines. Mais paradoxalement j’ai eu des rencontres formidables ces quatre dernières années.
DK : Au plus profond de vous, vous considérez que vous devez demander pardon à la Société Générale ?
JK : Les excuses que j’aurais à donner, c’est vis-à-vis des salariés. Mais c’est difficile de le faire quand on ne comprend pas soi-même ce qui est en train de se passer. Maintenant, j’ai compris.
DK : Vous êtes revenu dans la réalité ?
JK : Complètement.
DK : Vous avez foi en la justice ?
JK : Bien sûr.
DK : Pourquoi ?
JK : C’est comme ça que j’ai été éduqué.

19h50. "Jérôme Kerviel est quelqu’un qui ne fait pas d’histoires"
La défense a encore deux témoins à présenter. Honneur aux dames, dit Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel : Vanina Germain, salariée dans le secteur bancaire, qui intervient comme témoin dit de personnalité.
Me David Koubbi : depuis combien connaissez-vous Jérôme Kerviel ?
Vanina Germain : Depuis 1996.
DK : Il est au rang de vos amis ?
VG : Oui.
DK : En quels termes qualifieriez-vous J. Kerviel ?
VG : Pour moi c’était un bosseur, consciencieux, toujours le premier à être là le matin, à l’école comme en stage, réglo sur la part de travail à faire dans les travaux de groupe.
DK : Vous avez été en stage ensemble la Société Générale. Vous qualifieriez J. Kerviel d’honnête ou de malhonnête ?
VG : Je ne pense pas que ce soit quelqu’un de malhonnête, ni que ce soit un génie manipulateur, comme il est décrit dans les journaux. C’est quelqu’un qui ne fait pas d’histoire.
DK : C’est un calculateur ?
VG : Pas à ma connaissance.
DK : Quel rapport avait-il à l’argent ?
VG : C’est pour moi quelqu’un qui sortait peu, pas un flambeur.
DK : Vous pensez qu’il ment d’après ce que vous connaissez de lui ?
VG : On a très peu évoqué l’histoire ensemble.
DK : Nourrissait-il un complexe par rapport à la petite école qu’il avait fait ?
VG : Pas à l’époque en tous cas.
DK : Vous le trouvez génial ?
VG : Non c’est un bosseur.
La partie civile n’a pas de questions.

18h15. D. Bouton: "Aucun système de gouvernance ne permet d’éviter un comportement comme celui de Jérôme Kerviel"
La défense interroge à son tour le témoin, Daniel Bouton, patron de Société Générale à l’époque des faits.
Me Dami Le Coz, avocat de Jérôme Kerviel avec Me Koubbi se lance : Avez-vous pensé qu’il y avait un risque pénal pour les dirigeants de la Société Générale ?
Daniel Bouton : Les dirigeants d’entreprise ne pensent pas d’abord au risque pénal, ils pensent : comment je sors la société de cette situation. Je n’ai pensé qu’à cela pendant des semaines.
Me David Koubbi s’avance maintenant : Avez-vous bien retiré le propos de « terroriste » ?
DB : J’ai dit effectivement que c’était une erreur de l’avoir formulé.
DK : Pensez-vous que vous avez à vous excuser pour avoir porté cette parole ? Souhaitez-vous formuler des excuses à ce titre ?
DB : Je ne formulerais des excuses que lorsque j’aurais lu le jugement qui aura innocenté Jérôme Kerviel.
DK : J’ai entendu au fil de l’eau que la Société Générale est une banque solide. C’est bien ce que vous avez dit ?
DB : Je crois.
DK : Pourtant la Société générale ne résiste pas à des stress tests extrêmement rigoureux de l’Agence bancaire européenne.
DB : Je ne comprends pas la question.
DK : A l’époque où J. Kerviel opérait au sein de la banque, dans le même temps il y avait un « road show » des dirigeants pour aller vanter les systèmes de contrôle de la banque et que la sécurité était au cœur de vos problématiques. Je me trompe ?
DB : Oui la sécurité était au coeur de nos problématiques, mais avez 100% tort sur le fait que j’ai organisé des « road show » relatifs aux contrôles avant le 18 janvier.
DK : Considérez-vous que vos commissaires aux comptes, lorsqu’ils valident vos comptes, sont en conflit d’intérêt quand ils perçoivent des honoraires ?
DB : nous avons une règle de rotation entre deux entreprises de commissaires aux comptes. Mon sentiment personnel est que l’Europe et la France peuvent être raisonnablement satisfaites du système de contrôle des comptes que nous avons. Mais il n’y a pas de système de gouvernance qui permette d’éviter un comportement comme celui de Jérôme Kerviel.
DK : Nous avons fait le bout à bout des événements. Avant la mise en route de la communication de la Société Générale, toute la place disait qu’un seul opérateur qui aurait floué la banque, personne n’y croyait. A-t-il été nécessaire d’envoyer un autre signal pour retourner l’opinion publique et journalistique ? Car la presse était unanime sur ce sujet. Comment avez-vous fait pour renverser la vapeur ?
DB : Je ne suis pas fort en procédure pénale, mais je voudrais qu’il soit noté qu’un grand avocat parisien vient de reconnaître que ce qu’a fait son client est totalement incroyable pour toute la place. Je vous félicite votre franchise.
DK : A-t-il été nécessaire de le qualifier de voleur, manipulateur, terroriste, de le qualifier d’« en fuite » ou de suicidaire, pour faire admettre sa faute ?
DB : Je ne suis pas compétent pour y répondre.
DK : J’ai du mal à concevoir que Morgan Stanley et JP Morgan aient accepté de versé 5 milliards en sachant que les filets de contrôle étaient complètement troués… DB : J’incite tout le monde à lire le livre d’Alain Peyrefitte, « La société de confiance ».
La Société Générale de janvier 2008 est une grande banque internationale dans laquelle les grands banquiers internationaux ont confiance. Ils ont confiance dans le management et nous avons convaincu le marché du fait qu’on traitait le problème de la manière qu’il fallait.
Ils n’ont pas envoyé un chèque de 5 milliards d’euros dès le samedi, ils garantissent l’opération.
DK : Saviez-vous que Société Générale avait fait elle-même des opérations fictives dans le cadre des opérations de débouclage ?
DB : Je ne sais pas faire le débouclage d’opérations fictives de J. Kerviel sans faire des opérations fictives en face.
DK : Vous diriez que la fraude de Jérôme Kerviel était particulièrement sophistiquée ?
DB : Demandez d’abord à M. Kerviel pourquoi il a passé des ordres de ce type-là.
DK : M. Kerviel a agi comme il lui a été demandé d’agir. Je ne veux absolument pas être inconvenant mais pourquoi personne n’est tombé de sa chaise, c’est de l’incompétence ? Que faisait vos systèmes de contrôle ? Est-ce que eux n’ont pas abusé la confiance des salariés et des actionnaires ?
La présidente intervient : Ce serait de la publicité mensongère !
DB : Il est écrit dans la décision de la Commission bancaire qu’il y avait une défaillance des systèmes de contrôle.
DK : Jusqu’à un temps assez récent, M. Kerviel est perçu comme ayant inventé des méthodes pour faire des opérations fictives. Il s’avère qu’il n’a rien inventé du tout. Il y a eu des affaires en 1997 et en 2007. Quelles sont les mesures qui ont été prises pour que cela n’arrive plus ?
DB : Nous avons diligenté des enquêtes pour savoir ce qui s’était passé. Mais ça fait 120 ans que ça existe, c’est la même chose que les fraudes qui ont pu être initiées par fax depuis des endroits exotiques.

16h55. Daniel Bouton : "C’est M. Kerviel qui a transformé la Société Générale en banque casino"

La salle est bondée, la chaleur y est pénible. La présidente de la Cour appelle Daniel Bouton à témoigner, qui entre par une porte latérale de la salle avec une petite sacoche violette. PDG de Société Générale à l’époque des faits, il est aujourd’hui consultant indépendant dans le domaine des services financiers, administrateur de Veolia et consultant pour une université française.

Dans un costume gris sombre, Daniel Bouton, bras croisés, revient en détail sur les faits de janvier 2008, d’une voix monocorde : "Dans l’après-midi du vendredi, on m’apprend quelque chose qui est un peu terrorisant : une écriture n’est pas reconnue dans les comptes. Il est possible qu’il y ait un faux dans les écritures de la banque. L’économie de marché est fondée depuis 150 ans sur la confiance. Il n’y a pas pire pour une banque de découvrir une écriture fallacieuse. Le trader revient spontanément de week-end pour s’expliquer. Dans la nuit du samedi au dimanche, Philippe Citerne, numéro 2 de la banque d’investissement, m’apprend que J. Kerviel raconte qu’il a fait gagner 1,4 milliard d’euros à la banque. C’est un peu sans précédent. Mais le ciel nous tombe sur la tête quand on apprend les positions de 50 milliards d’euros. A partir du dimanche, on va essayer d’organiser des équipes d’encadrement pour traverser cette épouvantable tempête. Je prends à ma charge le travail un peu désagréable de communication aux deux autorités de tutelle. Nous organisons un débat interne pour voir quelles positions on peut prendre. Nous ne pouvons pas aller voir nos actionnaires, nos déposants, pour leur dire qu’on a une position dissimulée de 50 milliards d’euros. C’est mortel. Nous décidons donc de déboucler. Mais l’AMF ne nous donne pas beaucoup de temps. A partir du lundi, les conditions de marché sont telles, que le volume de pertes va nécessiter une recapitalisation. C’est une opération extrêmement difficile car les conditions de marché sont très tendues. La petite équipe à laquelle je rends encore hommage, nous allons prendre nos billets d’avions et nos petites valises, pour faire le tour des investisseurs. Nous réussissons le marché à souscrire cette augmentation de capital. Nous savons là que ce ne sera pas mortel pour la banque. Encore une fois, toutes mes excuses aux actionnaires, grands ou petits, qui ont souffert."


Mireille Filippini, présidente de la Cour lui demande : Comment expliquez-vous ce qui a pu se passer ? Elle relit alors les conclusions de la Commission bancaire qui a pointé un certain nombre de dysfonctionnements dans le système de contrôle interne de la banque.
Daniel Bouton : J’ai approuvé le principe de construction de petites équipes de traders qui devaient prendre de petites positions. Cela permettait de dérisquer sensiblement le risque opérationnel. Ceci étant, plus il y a d’opérations, plus il y a de problèmes d’ajustement de moyens entre le front-office et le back-office. Mais tout ça ne protège pas contre ce risque-là (il montre Jérôme Kerviel). Quand l’homme avec lequel vous travaillez vous enfume complètement, il faut avoir une autre organisation pour s’en apercevoir, et nous ne l’avions.
Il nous manquait une centralisation par nom du trader. Si on l’avait eu, on aurait vu le nombre anormal d’annulations passées. Il nous manquait probablement aussi une cellule anti-fraude. Nous étions organisés en boîtes, et il fallait qu’on ait une cellule anti-fraude qui traite le problème du risque opérationnel en se disant : « il peut y avoir un Kerviel ».
Me François Martineau : Un témoin affirmait ce matin qu’il valait mieux que la Société Générale avoue ses pertes de « rogue trading » que ses pertes liées aux subprimes… DB : Ca c’est n’importe quoi. Les bras m’en sont tombés quand j’ai lu la théorie du complot. C’est du même niveau que lorsqu’on nous dit pour le 11 septembre que les images de l’avion qui rentre dans les tours sont des fausses. Vu le niveau où la chaîne des opérations sur les taux et la chaîne des produits dérivés se rejoignent, la personne qui peut être le comploteur, c’est moi, Citerne ou Mustier, si cette théorie doit prospérer. Cette ligne de défense de J. Kerviel n’a pas plus de plausibilité que les précédentes.
Me Reinhart : Comment expliquez-vous cette défense ?
Daniel Bouton : Il s’est enfermé dans un système où il ne peut pas se dire la vérité à lui-même, à sa famille ou à ses amis bretons. Et on a en France beaucoup plus de facilité à croire le petit jeune que le méchant gros banquier.
Me Frédéric Karel Canoy, qui représente les petits actionnaires : Vous avez dit « en tant que président je suis responsable de tout », ça vous honore et vous ajoutez des excuses pour les « actionnaires petits et gros ».Regrettez-vous aujourd’hui le terme de « terroriste » dont vous aviez qualifié Jérôme Kerviel en première instance ?
Daniel Bouton : Le montant de 50 milliards est un montant létal et échappe à la raison. J’aurais peut-être pu m’abstenir, mais ce type de positions n’était le fait que d’un « voleur ».
Me Daniel Richard : Qu’est-ce que la bonne et la mauvaise spéculation ?
DB : C’est M. Kerviel qui a transformé la Société Générale en banque casino. Notre métier n’est pas de prendre des positions directionnelles. Le métier dans une salle de marchés, ce sont des gens qui arrivent à gagner des sommes petit à petit.
Daniel Bouton cite alors un edito de Muriel Motte dans Les Echos du jour : « les titres des banques ne veulent plus rien dire aujourd’hui ». Et déclare : Une affaire comme Kerviel n’améliore pas le niveau de confiance des marchés et des épargnants dans le système bancaire en général.
DR : N’avez-vous pas un peu pêché par angélisme ?
DB : On peut penser que les back-office étaient peut-être insuffisants en face de Delta One.
C’est le problème de toutes les entreprises confrontées à des cycles d’activité considérables. A la fin de la bulle, le nombre d’opérations est extraordinairement élevé et nous ne savons pas recruter suffisamment vite. La coïncidence terrible, c’est que des opérations étaient toujours cliquées par M. Kerviel tout en envoyant des SMS terribles à Moussa Bakir [courtier de Fimat, ex-Newedge, filiale de courtage de Société générale, qui exécutait les ordres boursiers passés par Jérôme Kerviel et échangeait avec lui de manière intensive].
DR : Pourquoi n’avez-vous pas distribué d’actions gratuites pour dédommager les salariés de la banque de détail ?
DB : Je n’y ai pas pensé.
Me Jean Veil, avocat de Société Générale, reprend la main : La Cour revient régulièrement sur le problème des effectifs. Est-ce que vous avez une idée de ce qui se passait en même temps en 2007 à la BNP ?
DB : Bien entendu nous comparons nos effectifs par rapport aux autres grandes banques. Les effectifs de back-office de Société Générale étaient tout à fait en ligne avec les autres.

15h00. "Répondez avec quelque chose qui peut satisfaire à la défense!"

La salle est pleine, le poulailler où sont placés les journalistes aussi, et les caméras sont postées à l’extérieur. Et Me Dami Le Coz, collaborateur de Me Koubbi pour la défense de J. Kerviel, est de retour.
L’après-midi promet d’être chargée, avec la citation de plusieurs témoins dont Daniel Bouton, patron de Société Générale à l’époque des faits.
Isabelle Santenac, du cabinet Ernst & Young, est entendue comme témoin à la demande de Société Générale. Elle était commissaire aux comptes à l’époque et s’occupait plus particulièrement de l’activité de banque d’investissement.
Me Jean Veil, avocat de Société Générale, l’interroge sur la manière dont elle a découvert les faits et comment elle a été associée aux recherches.
Dans un élégant tailleur, perchée sur ses talons, Isabelle Santenac explique : A titre personnel, je suis intervenue dès le lundi. Nous avions un suivi quotidien des débouclements. Nous avons ensuite fait un audit de ce qui s’est passé.
JV : Avec qui avez-vous fait l’audit dans la banque ?
IS : Principalement en coordination avec l’inspection générale.
JV : Combien de temps est-ce que cela vous a pris ?
IS : Sur la partie débouclement des opérations, ça nous a pris environ deux semaines, mais nous avons fait des audits complémentaires.
JV : Avez-vous vérifié le montant du débouclement des positions et le fait qu’on n’avait pas mis d’autres opérations dedans comme les subprimes ?
IS : Nous l’avons vérifié et nous avons mentionné dans notre rapport qu’il n’y avait pas d’autres opérations que celles de M. Kerviel.
JV : Aviez-vous des relations avec le PDG ou le conseil d’administration de la banque ?
IS : Je n’avais pas de contact direct avec eux, mais on a fait un point fin janvier avec le comité des comptes.
JV : Y a-t-il eu des divergences entre vos travaux et ceux de Price Waterhouse Coopers diligenté pour faire un audit indépendant ?
IS : Non.
JV : Avez-vous vu les inspecteurs de la Commission bancaire lorsqu’ils sont venus faire leur enquête.
IS : Non.
JV : Est-ce qu’ils se sont servis de vos travaux ?
IS : Non, pas à ma connaissance.
JV : Imaginons que J. Kerviel soit condamné et doive rembourser un euro à la banque. Comment l’enregistrera-t-elle ?
IS : Elle l’enregistrera en produit, et sera donc taxable.
La présidente de la Cour l’interroge ensuite les écarts de méthode qu’elle a pu constater, sur la vérification des écritures passées manuellement et sur les confirmations effectuées vis-à-vis de certaines opérations.
Me Jean Veil reprend : Comment avez-vous appris que les comptes de juin 2007 étaient faux ?
Isabelle Santenac : On l’a constaté après coup, en décortiquant les opérations non autorisées.
JV : Qu’est-ce qu’on a fait alors sur ces comptes 2007 ?
IS : Il y a eu retraitement des opérations en 2008.
L’avocat général veut revenir sur ces comptes 2007.
IS : Nous avons revu la cohérence du résultat. Le fait que les opérations étaient compensées par d’autres, faisait que le résultat global de cette activité était quasiment nul et n’attirait pas plus l’attention que ça.
JV : Vous commencez quand vos travaux pour arrêter les comptes de l’exercice annuel ?
IS : Il y a une phase de travaux intérimaires en octobre-novembre. Dès lors que les travaux d’arrêtés de la banque sont finalisés, commencent les nôtres.
L’orage gronde, il pleut des cordes, les questions de la présidente sont masquées par le bruit. Mais elle ne veut pas allumer ses micros.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, a des questions à poser au témoin : Pouvez-vous expliquer comment se définirait votre métier et en quoi le risque se trouve au cœur de ce métier ?
Isabelle Santenac : Mon métier est de certifier des comptes. Nous faisons des travaux sur la base de sondages, définis en fonction des risques identifiés dans chaque activité concernée. Sur les aspects de stratégie en tant que tels, nous en prenons connaissance par le conseil d’administration mais nous n’avons pas à intervenir.
DK : Comment assurez-vous aux sociétés auditées l’intégrité des informations sur la foi desquelles vous avez travaillé pour arrêter les comptes ?
IS : Une lettre est signée par la direction des entreprises pour nous aviser qu’aucune information ne nous a été cachée.
DK : Comment avez-vous fait pour valoriser, dans les comptes 2007 et 2008, les actifs liés aux subprimes, totalement illiquides ?
IS : En 2007, la crise n’était pas totalement avérée. Pour les subprimes ce n’était pas totalement dans mon domaine. Mais il existait des systèmes de cotation non officiels.
DK : Est-ce que la banque vous a mentionné qu’elle avait des problèmes d’écarts de méthode ou de contrepartie pending, sur des difficultés de rapprochement interbases ?
IS : Non.
Me Koubbi pose une nouvelle question au témoin qui lui lance : J’ai déjà répondu à cette question mais je peux y re-répondre.
Me Koubbi rétorque : Oui mais re-répondez avec quelque chose qui peut satisfaire à la défense.
Rires dans la salle.
La présidente déclare : Le témoin n’est pas venu ici faire plaisir à quiconque.
Me Karel Canoy, avocat représentant les actionnaires, lance depuis sa chaise : Sauf à la vérité !

12h45. De la vie "normale" d’un trader

Après la pause, Me Jean Veil est arrivé. La Cour entend maintenant un nouveau témoin, cité cette fois par Société Générale. Il s’agit d’Arnaud Llinas, opérateur de marché à la Société Générale depuis 2006, qui fait son entrée par une porte latérale de la salle. Pendant la suspension, Me François Martineau l’a par ailleurs présenté comme « un trader propre sur lui ».
Me Jean Reinhart, avocat de Société Générale, lui demande de décrire, « avec ses mots », la vie normale d’un trader.
Arnaud Llinas s’exécute : Je travaille sur des produits d’investissements, relativement simples dans l’univers des produits dérivés. Notre objectif n’est pas de prendre des risques mais de couvrir les risques, en utilisant des actions et des futures.
JR : Quel est le matériel à votre disposition?
AL : On travaille dans un endroit ouvert, un open space. On a chacun une console pour passer nos opérations, des systèmes d’informations qui nous donnent en continu des informations sur les sociétés que l’on suit et un système informatique pour rentrer et contrôler nos opérations.
JR : Est-ce qu’avec vos collègues vous formez un groupe sur le desk ?
Al : Les équipes sont généralement organisées autour de 3, 4 ou 5 personnes qui partagent un univers d’investissement commun.
JR : Est-ce que vous pouvez nous parler de vos limites ?
AL : Ce que je voudrais préciser, c’est que les limites ne sont pas un budget avec lequel on peut jouer. C’est un code la route, et c’est un peu notre carburant aussi. Il faut la respecter, c’est une évidence, nous avons tous signés une charte dans ce sens.
JR : Qu’est-ce qui se passe si vous les dépassez ?
AL : Nous avons un département des risques qui les contrôle. J’informe ce département et ma hiérarchie que les limites ont été dépassées. Elles peuvent être dépassées de manière passive. Si nous sommes organisés en open space, c’est pour faciliter la communication.
Il est admis à la Société générale, qu’une faute non avouée est une faute grave. C’est un code moral, que j’exige des jeunes recrues.
JR : Qu’avez-vous pensé lorsque l’affaire vous a été communiquée ?
AL : A aucun moment je n’ai pensé que ça pouvait avoir eu lieu dans le département des produits dérivés auquel j’appartenais. J’ai maintenant un avis personnel très clair sur cette affaire.
JR : Quel est-il ?
AL : Le seul point de ce jugement c’est : y a-t-il eu complicité éventuelle en interne. Pour moi, la complicité dans cette affaire n’a pas de sens. Les montants engagés ne peuvent pas faire l’objet d’une réflexion collective de personnes sensées. Après, cela n’engage que moi. A l’extérieur de la banque, il doit être très difficile de comprendre comment cela a pu arriver et comment tout un service de contrôle a pu passer à côté.
JR : Est-ce qu’il y aura pour vous un avant et un après 18 janvier 2008 ?
AL : Bien sûr. Tous les salariés de la banque ont perdu beaucoup, d’abord sur leur épargne, et en terme d’image. Depuis, tout a changé. La confiance n’existe plus, la parole n’a plus beaucoup d’importance et les justifications sont partout.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel s’avance pour le soumettre à la question : Si j’ai bien compris, vous venez nous dire comment fonctionne un trader et pas un fraudeur. Qui vous a demandé de témoigner ?
Arnaud Llinas : M. Paolantonacci.
DK : Vous étiez loin de J. Kerviel ?
AL : A 10 mètres.
Jérôme Kerviel souffle : On était dos à dos.
Me Koubbi poursuit : C’est quoi cette console dont vous parlez ?
AL : C’est un outil de passage d’ordres qui indique les risques en temps réel auxquels nous sommes exposés.
Jérôme Kerviel fait passer des messages à son avocat.
DK : C’est quoi le résultat moyen d’un trader ?
AL : Les gains sur ce type d’activité sont de l’ordre de quelques millions d’euros.
DK : Quand M. Kerviel fait 55 millions d’euros de résultat en 2007, vous en parlez dans la salle de marchés ? Parce qu’il y a une flèche là parmi les traders.
AL : C’est un résultat très bon. Est-ce que ça nous avait particulièrement ému, la réponse est non.
DK : Pour le trader que vous êtes, 190 000 contrats sur le Dax…
AL : C’est colossal.
DK : Comment expliquez-vous que 190 000 contrats, indiqués dans un mail envoyé à sept destinataires, ne le lisent pas ? Vous lisez vos mails ou pas ?
AL : J’en reçois beaucoup, j’essaie de trier les plus et les moins importants.
DK : Est-ce qu’il y a eu une ligne informationnelle pour communiquer aux salariés sur l’affaire dite Kerviel ?
AL : Non, je n’en ai pas le souvenir.
DK : Vous avez mentionné le fait que les traders n’avaient pas connaissance des systèmes back-office ? C’est par opposition à ce que vous connaissez de J. Kerviel que vous dites ça ?
AL : Non, c’est parce qu’avec l’affaire, j’ai appris des choses que je ne connaissais pas.
DK : Si vous recevez un mail avec quatre trades à 11 milliards indiqués… Est-ce que vous trader vous-même 11 milliards d’euros en quatre trades ?
AL : Non.
DK : Dans l’activité de M. Kerviel, comment ça se passe qu’en, à la fin de l’année 2007, il a 1,4 milliard d’euros sur son compte ?
AL : C’est possible, mais c’est un chiffre qui me semble important.
DK : Je vous remercie, la défense ne vous aurait pas mieux choisi que ne l’a fait la Société Générale.
L’audience est suspendue jusqu’à 14h45.

Midi. "On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs"

Me Koubbi s’échauffe encore, pique un fard suite à une affirmation de l’avocat général qui qualifie de faux les mails de Jérôme Kerviel. Il est même retenu par la manche par son collaborateur.
Me Koubbi : Si c’est déjà un faux, alors on lève le camp !
La présidente de la Cour menace de suspendre, Me Koubbi se rassoit.
Me Richard Valeanu, avocat représentant les salariés épargnants de la banque, interroge le témoin Jacques Werren, consultant financier : Vous avez félicité la Société Générale d’avoir sauvé la place tout à l’heure.
JW : Oui elle a sauvé la place. Mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
Mireille Filippini, la présidente de la Cour : La Société Générale aurait donc préféré se faire condamner par la Commission bancaire plutôt que donner ses pertes sur les subprimes ?
Jacques Werren ne se démonte pas : Annoncer une telle perte aurait eu un impact redoutable sur les marchés.
Mireille Filippini : Heureusement que J. Kerviel a perdu en janvier alors.
La Cour vous remercie. L’audience est suspendue un quart d’heure.

10h05. "On est peut-être dans le romantisme"

Deuxième témoin de la journée, entendu à la demande de la défense : Jacques Werren, consultant financier pour des établissements bancaires.
Me David Koubbi lui demande de préciser son parcours professionnel.
Jacques Werren se lance : J’ai fait la totalité de ma carrière dans la finance, j’ai été directeur général adjoint du Matif [Marché à terme des Instruments Financiers, ndlr], et je suis passé par différentes banques.
DK : Pourquoi êtes-vous venu témoigner ?
JW : Au départ je me suis senti un peu extérieur à l’affaire, et en découvrant les termes du jugement en première instance, je me suis senti indigné d’une certaine manière. On a donné des banques en général une image absolument déplorable. Au cœur de cette indignation, il y a cette profonde conviction que ça ne s’est pas passé comme on l’a écrit. Ayant passé une grande partie de carrière dans les marchés à terme organisés, je peux dire qu’il est impossible qu’un opérateur membre d’un marché à terme puisse ne pas savoir ce qui se passe.
J’ai beaucoup travaillé avec la Société Générale, je connais un grand nombre de ses opérateurs, et entendre dire qu’ils n’ont pas vu ce qui s’était passé me met très mal à l’aise. Il y a une incompatibilité fondamentale entre la réputation de la banque et sa défense qui consiste à dire qu’elle n’a pas vu.
DK : Est-ce que vous diriez qu’il existe un pacte de place pour empêcher certains de venir dire devant la justice ce qui s’est passé ?
JW : J’admets qu’il n’est pas évident de venir tenir des propos qui peuvent être perçus de manière négative. Mais le terme de pacte me gêne beaucoup, car cela suppose une machination. Cela ferait tomber cette hypothèse dans la science-fiction, plutôt que dans la réalité. En 2007, le grand jeu consiste à identifier les établissements qui ont des actifs toxiques dans leur bilan. La révélation de pertes sur les subprimes aurait constitué un tsunami à l’époque. Je crois que la Société Générale a pris la décision raisonnable, légitime, non pas de couvrir ces pertes par les opérations d’un trader, mais de changer leur nom, leur étiquette.
Subprime, c’est un mot redoutable. Alors, on a mis en place au niveau le plus élevé de la banque, une opération pour transformer ces pertes inavouables.
DK : M. Oudéa avait annoncé 200 millions de pertes sur les subprimes, en définitive c’est 2 milliards. C’est cohérent que M. Oudéa annonce 200 millions ? On peut se tromper sur des choses comme ça ?
JW : Je n’ai pas de commentaire à faire sur les déclarations de M. Oudéa, je ne m’en souviens pas.
Entre-temps, Me Richard Valeanu, avocat des salariés épargnants, arrive. Lui et son confrère Me Daniel Richard ont par ailleurs rendu leurs conclusions ce matin.
Me David Koubbi continue : S’il s’agissait d’un hôpital public, ou une compagnie aérienne ou une centrale nucléaire, la Société Générale serait purement et simplement, abruptement fermée. Est-ce qu’elle a été épargnée parce qu’elle ne peut pas être mise en faillite ? Est-ce qu’on craint un bank run, une contagion à d’autres établissements ?
Jacques Werren : Je ne peux pas répondre à toutes les questions. Risquer de voir la Société Générale prise dans des positions considérables pourrait impliquer une réaction en cascade.
DK : Votre intime conviction c’est que le fond sauce de ce dossier, c’est que c’est une mascarade. On ne peut pas charger un seul opérateur de marché.
JW : Il n’y a pas eu de pertes en réalité. Je sais que c’est un paradoxe. Les opérations sont fictives, ne sont pas comptabilisées par la banque. On fait de la Bourse à blanc. Si on ne les comptabilise pas, elles n’existent pas. Soit elles sont comptabilisées et elles ont une existence réelle.
Au plus haut niveau de la banque, on couvre les positions de J. Kerviel, qui prend des positions monstrueuses. La banque décide de prendre des positions symétriques inverses de celles de son opérateur. Pourquoi ? On attend certainement des pertes. En 2008, on siffle la fin de l’affaire et on éclaire les pertes de J. Kerviel. Tout a bien fonctionné, mais qui voit la direction des risques l’admettre ? Pour la Société Générale, annoncer des pertes de la part d’un trader qui a échappé à tout contrôle n’est pas glorieux, mais c’est moins grave que d’avouer qu’on a 5 milliards d’euros de pertes sur les subprimes.
Me Koubbi, qui était allé s’asseoir pendant la tirade du témoin, revient l’interroger : Si je vous dit que 74 alertes officielles sont remontées, et que personne n’y a prêté attention. Ca marche vraiment comme ça la finance ? Est-ce que ça ne vient pas accréditer la thèse de la couverture dont vous venez de parler ? Quel est votre sentiment, en tant que professionnel?
Jacques Werren : Il y a un excellent moyen de prouver cette thèse, en réclamant d’aller voir les comptes maison de la Société Générale en 2007. Ces opérations ont été comptabilisées. La Commission bancaire saurait parfaitement le faire.
Avant de finir, je crois qu’il faut féliciter la Société Générale d’avoir changer l’étiquette du mot subprime. Elle a rendu un immense service à la place financière de Paris. Reconnaître qu’elle l’a fait pour la bonne cause, serait très honorable. Mais on est peut-être dans le romantisme.
Mireille Filippini, présidente de la Cour intervient : Je ne crois pas que nous sommes dans le romantisme Monsieur. C’est du juridique, pas du romantisme. Nous ne sommes ni poètes ni écrivains.
Me David Koubbi fait maintenant allusion à un témoignage d’un membre d’Ethique et Finance qui aurait assisté à une réunion à Bercy : Par quelle magie ça a été oublié ?
Me Koubbi commence à s’échauffer et pointe alors du doigt les journalistes situés au poulailler, en disant que la presse parlait de cette thèse avant que la « machine de communication » de la banque se mette en route. Mes Martineau et Reinhart nous regardent en souriant.
Le témoin a livré ses explications, fruit de sa réflexion personnelle. Les avocats de Société Générale n’ont pas paru ébranlés par ces assertions.
Mais visiblement agacé, Me François Martineau a néanmoins voulu interroger à son tour le témoin : La Cour applique le droit, je ne pense qu’elle prenne en compte ce que je pourrais qualifier d’intuition délirante. Avez-vous conceptualisé le travail de deux juges d’instruction ? Qu’est-ce qui vous autorise à dire que ça ne s’est pas passé comme c’est écrit ?
Jacques Werren : Je vous ai exposé ma conviction et je dis que ma thèse peut être démontrée en explorant les comptes maison de la banque.
FM : Donc votre conviction met entre parenthèse le travail de deux juges d’instruction. Avez-vous par exemple des faux que J. Kerviel a commis, de ses opérations fictives, des pertes latentes de 2 milliards, des opérations de débouclage ? Est-ce que vous savez ce que c’est qu’un « rogue trader » ?
JW : J’ai lu un roman qui décrit bien la réalité qui s’appelle « Le rogue trader ».
FM : Donc vous n’avez de ces affaires de rogue trading qu’une connaissance romanesque.

9h20. "C’était des mots déplacés dans une salle de marchés"

Le neuvième jour d’audience débute.
Plusieurs absents sont à déplorer ce matin. Pour le deuxième jour consécutif, Me Dami Le Coz, collaborateur de Me Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, n’est pas là. Et Me Jean Veil, avocat de Société Générale, a quant à lui laissé la main à Mes Reinhart et Martineau pour l’instant.
Mes Daniel Richard et Richard Valeanu, avocats représentant les salariés épargnants, ont eux aussi passé leur tour.
A la demande de la défense, la Cour entend comme témoin Angel Galdano, cadre chez Fimat (ex-Newedge, filiale de courtage de Société Générale) à l’époque des faits, et qui travaille toujours chez Newedge.
Me David Koubbi s’avance pour l’interroger : Nous avons été avisés qu’il y avait eu une altercation à l’époque entre vous-même et Moussa Bakir [courtier de Fimat, qui exécutait les ordres boursiers passés par Jérôme Kerviel et échangeait avec lui de manière intensive]. Nous croyons avoir compris que l’activité importante de Moussa Bakir procurait pour vous un surcoût. Quel est le sens de l’altercation qui a eu lieu ?
Angel Galdano : C’était début novembre 2007, je sentais un peu Moussa Bakir sous pression. J’ai constaté que les volumes de transactions étaient importants, je lui ai demandé de s’expliquer. Et on a eu un échange de mots assez fort.
DK : Ca représentait quoi comme volume de transactions ?
AG : 50 000 à 60 000 contrats Eurostoxx non dénoués.
DK : Quand il y a eu cette altercation, elle est devant des témoins ?
AG : Oui.
DK : Accepteriez-vous de la relater telle qu’elle commence et telle qu’elle finit ?
AG : Il y a eu une explication sous tension, et c’est parti assez vite. C’était des mots déplacés dans une salle de marchés.
DK : C’était exceptionnel une altercation comme celle-ci ?
AG : Oui, pour preuve, j’ai fait un mail d’excuse pour l’attitude que j’avais eu.
DK : Y a-t-il des gens au sein de Fimat qui savaient qu’un trader tournait comme un avion au sein de la Société Générale ?
AG : Non.
DK : Moussa Bakir a touché un bonus de 1,02 millions [complice présumé de Jérôme Kerviel, il a finalement été mis hors de cause. La justice a adoubé son bonus de 1.02 millions d’euros touché fin 2007, en grande partie grâce aux ordres exécutés pour Jérôme Kerviel].
AG : Oui.
DK : Que pensez-vous, au plan de l’éthique, du fait qu’un salarié perçoive plus d’1 million d’euros de bonus, grâce à un homme qui est condamné à 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts et à trois ans de prison ferme ?
AG : C’est quelque chose qui est contractuel, on ne peut pas revenir dessus. Donc c’est normal. Par contre ce qui ne me paraît pas normal, c’est de mettre en péril une banque.
Pour l’heure, et contrairement à la journée d’hier, Jérôme Kerviel écoute attentivement le témoin, ne lit plus et ne prend plus de notes, tout au plus écrit-il quelques « post-it » à l’adresse de son conseil.

Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès

Source: La Tribune par Laura Fort

Vous l’attendiez avec une légitime impatience : troisième et ultime plateau-télé, après six semaines de trépidations électorales. Pas le moins rigolo, mais gaffe à l’addition !


Autant, avant les deux tours de la présidentielle, il pouvait y avoir un peu d’angoisse dans l’air, autant, pour les législatives, la seule question qui se posait était de savoir qui laisserait sa peau dans cette affaire. Chacun ayant sa tête de turc, à droite ou à gauche, le jeu de massacre s’annonçais succulent. Finalement, le monde politique est plein de gens qu’on n’aimerait plus voir. On n’a pas été déçus…

PAS DE PERCHOIR
POUR LA PERRUCHE


Avant même que sonne l’heure égale des résultats à la télé (ce qui est vraiment éclairant sur la stabilité émotionnelle et l’obéissance aux lois chez celle qui aurait pu devenir présidente de la République), la pieuvre Ségolène a jeté son encre pour bien marquer de noir cette journée plutôt rose.

Le narcissisme jusque dans la débâcle, c’est son style, Ségolène, c’est un tailleur chic autour d’un nombril, tout le monde vous le dira.

Elle s’est pris à La Rochelle (capitale des filles ardentes) une baffe considérable, un de ces scores qui obligerait à réfléchir toute personne … normale. Après l’antisarkozisme, l’antiroyalisme a fait le ménage. Et dans un cas comme dans l’autre, on récolte ce que l’on sème : trop de tchatche, trop d’égo, trop de combines, trop de passages en force, trop de fautes de français, trop de nombrilitude, pas assez d’analysation.





En 2007, elle a momentanément brillé comme une perle dans le désert de la gauche, et elle a montré des talents ; on mesure maintenant ce qu’était ce désert, et ce qu’est le talent. De façon stupéfiante, face aux caméras, elle est à deux doigts de dire que sans les électeurs, elle aurait sûrement gagné. Il aurait été mieux venu, plus élégant et sûrement plus militant de s’excuser pour le faux calcul, le bordel, la casse. Malaise : une scène à oublier, et les condoléances fraternelles des socialos (parfois du bout des lèvres) ont emprunté le lexique des généralités fumeuses sur le « rôle à jouer » que conservait la dame, comme s’il fallait qu’on l’aime pour sa maladresse et sa capacité de foutre le souk partout où elle passe. Pujadas ne savait plus quoi dire, assez embêté de voir sa chaîne transgresser la loi, il s’est rattrapé ensuite en enfonçant bien les clous : on en a parlé et reparlé, du siège de La Rochelle !

PAS DE PAU

Puis ce fut le quart d’heure béarnais. Bayrou illustre parfaitement la thèse selon laquelle l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et lui, en matière d’intentions, il tient le haut du pavé. Il devait gagner ces élections présidentielles, de méchants concurrents ont fait qu’il les a perdues haut la main.

Il devait réconcilier les Français, il n’a pas réussi à réconcilier ses militants qui sont partis à droite et à gauche, selon le vent. Lui, il a choisi Hollande, persuadé que le grand homme, reconnaissant, l’appellerait à éclairer sa route, sa conscience et la véranda de l’Elysée.

On ne lui a même pas épargné une candidate socialiste, une jeunette pleine de niaque qui finalement a gagné le canard gras et la bourriche sans forcer, à la régulière, au petit trot.

L’homme qui murmurait à l’oreille des ânes se retrouve simple conseiller municipal d’opposition d’une préfecture où il est malheureusement écrasé par le souvenir d’Henri IV et de Bernadotte, qui a bien réussi, lui, puisqu’il a fini roi de Suède.

Il reste en ce rassembleur qui n’a jamais vraiment rassemblé personne un goût prononcé pour les prophéties sombres, c’est la Cassandre des gaves, le Messie des haras, la Pentecôte béarnaise : c’est son côté Droopy prêchant l’Apocalypse. Comme Ségolène, il émeut dans la défaite, moi un peu, ma femme beaucoup, mais elle a la pitié facile.

Face aux micros, la pauvre, le pauvre, ils font leur confiture avec les fruits de la compassion, car ils ont en commun une sorte de mysticisme égocentrique et évangélique qui déroute le sens commun – ils portent leur âme à l’extérieur, et forcément, elle morfle. A force de traverser des déserts, Bayrou va finir par se laisser pousser deux bosses ; et à force de prendre du recul, il va tomber de l’estrade.

GAZOUILLIS

En tout cas, Ségolène ne pourra pas raconter qu’elle a péri à cause de la perfide madame qui squatte à l’Elysée avec désormais le titre peu enviable de première twitteuse de France. C’était râpé de toute façon. Mais, du coup, l’accident fait deux victimes, parce que @valtrier, comme on l’appelle chez les sourds-muets, ne sort pas reluisante de ce tas de boue.

Si j’étais grossier comme du pain d’orge, je dirais qu’à force de proclamer qu’elle ne voulait pas être une potiche, elle s’est comportée comme une gourde. Mais, délicat comme la rose à peine éclose, je ne le dirai pas.



Source: Bakchich, Par
Jacques Gaillard

Les géants des déchets dégustent à Marseille

La direction générale de la consommation de la concurrence et des fraudes a rendu une visite fort peu courtoise aux géants de l'environnement implantés sur Marseille le 19 juin au matin. Encore une affaire de déchets.



Les élections ont rendu leur verdict. 48 heures après le scrutin législatif, la justice marseillaise a mis fin à la mini-trêve politique. Le 19 juin au matin, le conseiller municipal aixois et président du technopole de l'Arbois Alexandre Medvédowsky, le directeur de l'institution Olivier Sana et un 3e homme ont gouté aux joies de la de la garde-à-vue dans l'un des volets du dossier Guernica, tableau qui ne cesse de s'étendre.

En charge de l'instruction, le juge Duchaîne souhaite éclaircir les conditions dans lesquelles des sociétés proches du grand banditisme ont pu remporter des appels d'offres auprès du technopole et la manière dont était managé l'établissement, majoritairement financé par le département des Bouches-du-Rhône.

Alexandre Guérini, le frère du président du Conseil Général, s'est selon les écoutes du dossier, beaucoup intéressé à l'arrière pays aixois.

Cela n'a pas été le seul motif d'agitation de la matinée du 19 juin. Les filiales des grandes entreprises collecte et de gestion de déchets implantées autour de Marseille ont reçu une visite assez peu aimbable de la direction générale de la consommation de la concurrence et des fraudes (DGCCRF), les limiers du ministère de l'Economie chargés de veiller à ce qu'il n'y est pas d'entente par exemple lors d'appels d'offres sur des marchés publics, que les conditions de passation de marchés sont claires et que leur exécution est correctement réalisée.

Une enquête loin des Guérini

A Marseille, ce sont 230 millions d'euros annuels qui sont consacrés par la Communauté urbaine Marseille Métropole à la collecte et gestion des déchets. Avec des résultats contestables à juger de la propreté légendaire de la ville. Dans le département, les marchés de propreté représentent près de 500 millions d'euros.






Selon les informations récoltées par Bakchich, Veolia Propreté, Silim et Bronzo, filiales de la Société des eaux de Marseille elle-même filiale de Veolia, Derichebourg Propreté et Parpec (qui possède ISS Environnement) ont toutes été visitées.

«Nous n'avons pas de commentaire à faire pour l'instant» a bien urbainement fait savoir à Bakchich Veolia Propreté. Mutisme analogue du côté des autres entreprises concernées.

Peu d'informations ont filtré sur le champ d'investigation de l'anti-fraude, qui se situe hors saisine du juge Duchaîne. Comprendre hors de la sphère d'influence prêté aux Guérini, Jean-Noël, président du Conseil Général et surtout Alexandre, patron de sociétés de déchets longtemps surnommé le parrain des poubelles marseillaises, au centre des investigations du magistrat.

Jusqu'à présent, les géants de l'environnement sont passés au travers des averses judiciaires marseillaises. Un temps révolu?

Le débarquement de la DGCCRF constitue au moins une avancée. Et une pierre dans le jardin très peuplé de ceux qui ont cru que couper la tête aux Guérini suffirait à assainir les marchés publics marseillais.

Source: Bakchich, Xavier Monnier

L’Oréal : A l’Est un parfum de souffre, l'intégrale

Le géant du cosmétique vaut bien quelques entorses aux lois de la concurrence quand il s'agit de conquérir des nouveaux marchés en Europe de l'Est. Agents bernés, crime organisé russe, paradis fiscaux. L'intégralité de notre enquête.















Lire la suite: sur Bakchich

Source: Bakchich, Woodward et Newton

jeudi 21 juin 2012

De Renault à Kerviel, leçon de stratégie juridique

Un courriel du directeur juridique de Renault éclaire le plan de bataille des grands groupes pour se tirer de guêpier politico-judiciaire. Une méthode simple...coller au pouvoir. Leçon bien apprise par la Société Générale?

Une grande entreprise, côtée en bourse, coincée dans un scandale d'Etat doit savoir se prémunir de petits désagréments. A commencer par la glorieuse incertitude judiciaire, réduite à la portion congrue. Comment? Un mail du directeur juridique de Renault donne un aperçu de la méthode à suivre. Début 2011, le fleuron de l'automobile (de moins en moins) hexagonal est piégé dans une fausse affaire d'espionnage. Des cadres, accusés d'avoir joué les barbouzes pour des rivaux chinois sont licenciés avec fracas, le patron Carlos Ghosn crie au loup...avant que le beau roman de barbouzes prenne une tournure moins charmante pour le constructeur. La direction de la sûreté s'est tout bonnement fait enfumer, les cadres licenciés accusés à tort et l'enteprise couverte de ridicule.


Les bons conseils du conseiller justice de Sarko Gênant mais pas fatal. Ghosn a réussi à conserver son poste, Renault s'est porté partie civile dans le dossier judiciaire et la carambouille a fini part tomber dans les limbes de l'actualité. Pas par miracle attention. Ghosn a été fort bien briefé par son directeur juridique de l'époque, Christian Husson. Etape principale et capitale, le choix de l'avocat, qu'Husson justifie auprès de Carlos Ghosn dans ce courriel du 30 janvier dont Bakchich a pu prendre connaissance. « Bonsoir Monsieur, quelques élements de contexte, avant le déjeuner de demain avec Jean Reinhardt. Choix de l'avocat: Maurice Lévy poussait Jean Veil par amitié pour sa mère Simone Veil. Je connais bien Jean Veil personnage complexe. Avocat un temps de J. Chirac, il a fait partie du panel de la défense de la Soc Générale contre Kerviel.

Ses confrères se sont vite agacés de le voir rechercher plus les caméras que la technique du dossier». Exit donc Me Veil. Le choix va se porter sur un autre ténor du barreau, bien plus impliqué dans les dossiers… et recommandé en haut lieu. A l'hystérique Metzner, préférer le très proche de l'Elysée Reinhardt



«Le jour où le dossier est sorti en public, l'ex conseiller Justice de Sarko -Patrick Ouart- m'appela directement pour me "suggérer" i) de ne pas prendre Metzner - ce que je n'avais pas envisagé du tout - non grata au chateau pour avoir défendu Villepin et la fille Bettancourt de manière, objectivement, assez hystérique. Et ii) considérer Jean Reinahrdt (très proche de l'Elysée) qui dans le village a un très bonne réputation technique et fut déterminant pour démonter la défense de Kerviel. Sans s'être concerté, Mona m'appela pour me signaler aussi Reinhart, conseillé par ses amis avocats ou politique (y c Rachida Dati je crois)».


En somme pour être bien armé, mieux vaut prendre un avocat proche du pouvoir, tant la justice semble indépendante… Du dossier Renault s'est ainsi mêlé le conseiller justice de Sarko, une ancien ministre de la Justice et des politiques non identifiés. «Il faudra compter sur les magistrats» Après le choix du conseil vient le point sur le dossier. «A moyen terme il faudra compter sur les magistrats quand viendra le temps du jugement et la justification ex ante des décisions que nous avons prises». Une formulation étonnante, même à relire l'ensemble du courriel qui décrit, notamment, la coopération de Renault avec la DCRI, le «calumet de la paix» fumé entre Bernard Squarcini et leur avocat ou le recherche de leur informateur (qui deviendra leur enfumeur). Le directeur juridique d'un grand groupe compte sur les magistrats pour entériner a posteriori et judiciairement les «décisions» du groupe… Y compris l'espionnage de ses salariés, la livraison en patures de cadres injustement virés et le recours à des barbouzes? «Avec un peu de chances, si la pêche en Suisse (aux comptes des cadres virés, ce qui ne sera pas le cas, NDR) était bonne assez vite, nous aurions un élément décisif devant notre AG. J'ai dit au proc et à Reinahrdt que ce tempo nous aiderait». Quand il s'agit du patrimoine industriel français, la justice doit se garder d'envoyer les pointe au piquet. Et au sujet du patrimoine bancaire? Dans le courriel, à plusieurs reprises, est évoqué le cas de la Société Générale. Trois mois auparavant, la banque s'est superbement tiré du procès en première instance de Jérôme Kerviel.


A la brillante manoeuvre pour la banque rouge et noire, Jean Veil, fils de Simone et Jean Reinhardt «très proche de l'Elysée», recommandé par Ouart, en poste au moment de l'instruction contre le trader. En face, «l'hystérique» Olivier Metzner, «non grata au chateau». Résultat du combat? L'ancien poulain a été condamné seul à des dommages et intérêts de 4,9 milliards d'euros (le montant des pertes qui lui ont été imputés par la banque) et trois ans d'emprisonnement pour «abus de confiance», «faux et usage de faux» et «introduction frauduleuse de données dans un système informatique». Comme une justification «ex ante des décisions» prises par la SG?

Source Bakchich: Xavier Monnier