Blanchi par un jury américain outre-Atlantique, il prépare sa défense devant la justice française.
Jean-Marie Messier a gagné son "day in court", comme disent les Américains. "Je n’ai jamais commis de fraude. Jamais, jamais, jamais." Prononcés droit dans les yeux, ses mots ont emporté la conviction des 11 jurés convoqués dans le cadre d’une class action (action de groupe). Une affaire sans précédent dans les annales judiciaires américaines. Après quatorze jours de délibération, le verdict du tribunal fédéral de New York (South District) est tombé vendredi en début d’aprèsmidi. Il l’innocente ainsi que son ancien directeur financier, Guillaume Hannezo.
Pour eux, l’affaire est définitivement close. Pour Vivendi, elle commence vraiment. La société écope d’une condamnation pour communication trompeuse par imprudence qui pourrait lui coûter plusieurs milliards de dollars. "C’est une décision absurde, ce qui nous rend optimistes sur la suite car nous allons faire appel", déclare au JDD Me Hervé Pisani, avocat français de Vivendi. L’absence à l’audience de Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de la société, dont la déposition a été diffusée par visioconférence mi-octobre, aurait pu lui nuire.
Les plaignants français savourent une victoire qui paraissait bien improbable quand ils ont décidé d’exporter leur procès aux Etats-Unis en l’absence d’actions de groupe en France. Colette Neuville, partie prenante à l’action américaine, se félicitait du verdict vendredi. "Les dommages et intérêts vont atteindre un montant record. Je regrette juste que Messier en sorte indemne. Hannezo, lui, a toujours mis les freins." Le jury a considéré que l’ancien PDG de Vivendi Universal avait fait des erreurs stratégiques. Mais qu’il n’avait pas commis de fraude. Il a aussi noté qu’il avait payé les conséquences de ses actes : Jean-Marie Messier avait acheté des titres Vivendi en 2001 et 2002, il ne les a ni couverts ni vendus. En somme, il croyait à ses propres erreurs.
Le chiffrage des dommages risque de prendre près de dix-huit mois
Me Frederik-Karel Canoy, qui représente un millier d’actionnaires en France, est surpris: "C’est quand même lui qui validait toute la communication du groupe!" Mais il tient une explication: "Le sujet était trop technique pour un jury populaire. Le fait que Vivendi ait été condamné est la seule chose importante. Après tout, la société est bien plus solvable que Messier." La logique des poches profondes ou deep pockets fonctionne à plein dans les actions de groupe américaines. Au point de décourager Michelin de se faire coter à New York il y a quelques années. La peur des class actions américaines a peut-être aussi pesé dans la décision d’Axa, qui a annoncé cette semaine son départ du New York Stock Exchange.
Pour Vivendi, le chiffrage des dommages risque de prendre près de dix-huit mois. Le jury a estimé que les mensonges de Vivendi avaient gonflé le cours de 11 dollars (8 euros), en moyenne. Il va falloir examiner chacune des demandes des plaignants, qui ont acheté et vendu des actions entre octobre 2000 et août 2002. Le nombre d’actionnaires a été estimé à un million, celui des actions échangées sur la période à un milliard. "Au jour le jour, pour chaque plaignant, un logiciel calculera l’inflation de l’action qui résultait de la communication financière", explique Colette Neuville. Les plaignants réclamaient jusqu’à 8 milliards d’euros.
Un "immense soulagement"
Au vu de cette décision, leurs avocats chiffraient ce week-end la facture potentielle pour la société à 6,5 milliards d’euros. Un montant aussitôt contesté par Vivendi, qui brandit la menace d’une "actionpour diffusion d’information trompeuse". Un comble… "On cherche à provoquer une panique de marché et à nous contraindre à transiger", assure Me Hervé Pisani. Selon lui, aux Etats-Unis, de 20% à 30% des investisseurs réclament leur indemnisation, après une class action. Jean-Marie-Messier, qui n’a pas souhaité commenter la décision, a ressenti selon ses proches un "immense soulagement".
A 54 ans, il va enfin pouvoir se consacrer pleinement à sa "boutique" new-yorkaise Messier Partners. Un business dont il fit même état devant les jurés. "De grandes sociétés comme Total ou EADS me font confiance." Elles ne sont pas les seules, l’ancien banquier d’affaires de Lazard cultive un portefeuille de clients fourni: Veolia Environnement, le groupe Lagardère (propriétaire du JDD), Publicis ou plus récemment Icade, la foncière spécialisée dans le logement social de la Caisse des Dépôts. Jusqu’en décembre dernier il comptait parmi ses collaborateurs Jean-Charles Charki, le gendre de Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée. Mais le jeune apporteur d’affaires de 38 ans a décidé de voler de ses propres ailes et de monter à son tour, à Londres, une boutique focalisée sur les pays émergents.
jeudi 4 février 2010
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