jeudi 14 novembre 2013

Jean-Marie Messier : Vivendi avait donné des informations partielles mais essentielles


Pour clore son examen de la manipulation de cours de Vivendi lors de ses rachats d’actions de septembre 2001, la présidente poursuit son audition de Jean-Marie Messier. Dernier extrait de l’audience devant la 5ème chambre correctionnelle de la cour d’appel de Paris, le 5 novembre 2013.




A l’audience, Jean-Marie Messier se déclare seul responsable, devant la 5ème chambre correctionnelle de la cour d’appel, en novembre 2013.

« Revenons à nos moutons, les rachats de titres », enchaîne la présidente de la cour.

-         Oui, après ce grand débat d’une technicité que j’aime bien, vous avez dit que j’avais évoqué le cours de 49,5 €, c’était juste pour donner cette info sans conséquence, explique Jean-Marie Messier.

-         Pourquoi vous ne dites pas que Vivendi rachète des actions depuis le 17 septembre ? Vous dites beaucoup de choses dans plusieurs communiqués mais vous passez toutes vos opérations de rachat d’actions sous silence, ce qui m’a surpris.

-         Une conférence de presse de deux heures, pardonnez-moi de le dire, mais c’est zéro info, ça n’a aucune portée. J’aurais aimé reprendre le graphique, j’aurais voulu essayer de vous expliquer. On m’accuse par délit d’égo d’avoir fait artificiellement monter le cours à 50 € le 25 septembre.

-         Oui, entre autres.

-         C’est une journée où, entre le conseil d’administration, le déjeuner avec les administrateurs, la conférence de presse et la réunion avec les analystes financiers, je ne suis pas en contact avec mes équipes. J’ai fait beaucoup de choses égotiques sans doute, mais pas celle-là. 
L’ex-PDG reprend la fameuse démonstration par l’absurde selon laquelle il s’y serait pris autrement pour manipuler le cours, ce qui prouve bien qu’il ne l’a pas manipulé. 
« Dire que j’ai fait maintenir le cours à 50, ça n’a pas de sens. »

-         Venons-en à la communication, enchaîne la magistrate. Pourquoi vous ne communiquez pas pour dire « suite aux attentats on a été obligés de racheter nos propres actions » alors qu’au moment où vous annoncez la vente de BSkyB vous dites que les fonds seront alloués au désendettement et au programme de rachats d’actions. Vous annoncez le 25 septembre que le conseil d’administration a autorisé l’annulation de titres à hauteur de 3% du capital, que le cours est attractif autour de 49,50, qu’une partie des titres à annuler a déjà été rachetée et qu’une autre doit l’être ultérieurement. Vous parlez seulement d’annulation, pas de régulation.

-         Une première chose est qu’on n’a aucune obligation de faire un communiqué de presse pour annoncer des rachats d’actions, se retranche Jean-Marie Messier. On a fait ce communiqué parce qu’on a voulu que ce soit su.

-         Oui mais vous ne parlez pas du contexte.

-         Il nous a semblé négatif de dire qu’on arrivait à la limite de notre programme de rachat de 10% des actions.

-         C’est vrai, tout le monde aurait compris que l’action n’avait tenu à ce niveau que grâce aux achats passés. Selon les enquêteurs de la COB interrogés, l’effet d’annonce de l’annulation d’actions était très positif, mais l’absence d’annulation des actions après cette annonce constitue une infraction au règlement général car l’information doit être exhaustive, claire et non trompeuse, sinon on doit informer le marché du changement d’avis.

-         Vous citiez hier Michel Prada qui disait « c’est positif pour l’actionnaire ». Je prends l’analogie d’un gâteau, si je fais moins de parts, en annulant des actions, les parts qui restent ont plus de gâteau. Quand on apporte ces titres en paiement de USA Networks, j’agrandis le gâteau, d’où le choix de ne pas annuler les actions mais d’augmenter la taille du gâteau. Bien qu’elle soit favorable à l’actionnaire, cette annonce n’a pas eu d’impact. Je voudrais insister sur le fait qu’on n’avait aucune obligation de faire ce communiqué de presse, mais comme on approchait de notre limite de 10% on voulait le faire.

-         Pourquoi ne pas l’avoir dit ? Si on fait un communiqué de presse c’est bien pour annoncer les nouvelles importantes ?

-         Rendre public ce programme alors qu’on n’avait aucune obligation de le faire faisait partie de notre stratégie de dire « Attention, Vivendi Universal est attentif à la régulation de son cours et a les moyens de le faire ».

-         Les victimes sont aussi ceux qui n’ont pas vendu dans cette période car ils ont été influencés par un communiqué de presse leur annonçant que le gâteau serait plus gros. Mr Prada a écrit au procureur « Jean-Marie Messier a insisté sur l’annulation des actions et la relution ».

-         Oui, cela correspondait à notre décision favorable aux actionnaires. En novembre décembre, quand s’est présentée l’opportunité d’acheter USA Networks pour apporter la dernière pierre à ce groupe de média, nous avons jugé qu’il serait plus intéressant pour les actionnaires d’apporter les titres en paiement de ce rachat que de les annuler.

La fin de l’audience est consacrée aux questions des avocats et parties civiles orchestrées par la cour. Certaines méritent davantage d’être mentionnées pour leur valeur informative sur la forme que sur le fond.

-         Est-ce que des groupes qui n’ont pas racheté leurs actions après les attentats de New York ont connu une spéculation sur leurs actions ? interroge ainsi Didier Cornardeau, président de l’Association des petits porteurs actifs (APPAC).

-         La question est inopérante et inadéquate, il n’y avait pas d’équivalent en France d’un groupe aussi américain que Vivendi Universal, balaye Jean-Marie Messier avec dédain. Nous n’avons pas respecté la présomption de légitimité des rachats d’actions ce qui nous met la charge de la preuve que ces rachats étaient bien légitimes. La règle impérative d’abstention dans la quinzaine précédent les résultats a été assouplie à condition de donner une indication au marché de résultat provisoire, nous l’avions donnée le 23 juillet sur les médias, pas sur Vivendi Environnement comme j’en ai pris la responsabilité. J’ai pris la décision de ces rachats d’actions, il est normal que le régulateur se soit penché dessus et la lettre de l’AMF résume le mieux qu’il n’y a pas eu de manipulation de marché car l’information donnée était « certes partielle mais essentielle ».

-         Cette règle est là pour empêcher un délit d’initié, pas les manipulations de cours, corrige la présidente Filippini

Source: Publié le 13 novembre 2013 par Gilles Pouzin
Dessin: Yanhoc

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