vendredi 21 décembre 2012

«Si tu le fais, je te paie 50'000 ou 100'000 dollars»

Les rapports des autorités de surveillance britannique et suisse montrent que les opérateurs d'UBS ne s'encombraient pas de détails pour manipuler le taux Libor. En voici quelques morceaux choisis.



Une salle de trading d'UBS (archives). Selon le président du conseil d'administration Axel Weber, UBS pratique aujourd'hui la «tolérance zéro» vis-à-vis des collaborateurs qui enfreignent les règles.
Image: Keystone


A l'appui des amendes prononcées contre UBS(UBSN 14.78 -1.66%, les autorités de surveillance suisse et britannique ont livré mercredi des éléments de preuve démontrant que la banque suisse a activement manipulé le taux Libor. Il en ressort aussi que la crise financière de 2008 a agi comme un révélateur.
Ainsi, le 9 avril 2008, UBS propose le Libor sur le dollar à trois mois à 2,71%. Le lendemain, écrit la FSA (Financial Services Authority) britannique dans son rapport, le manager D s'inquiète de l'écart de 10 points qui sépare celui-ci du taux de 2,81% proposé sur les certificats de dépôt à trois mois.
«Pourquoi ne pas mettre notre Libor 3 mois aussi à 2,81%», questionne le Manager D. «Nous devrions», concède le manager C. «Mais le 'Group Treasury' va de nouveau reprocher à nos gars d'être la banque la plus élevée (ndlr: qui annonce le taux Libor le plus élevé) du sondage», termine le manager D.
Impact sur le coût de refinancement
Cette discussion a été enregistrée une bonne semaine après l'annonce par UBS d'une perte de 19 milliards de dollars sur des titres immobiliers pourris et du départ de Marcel Ospel. Elle reflète l'embarras des spécialistes du Libor devant les effets conjugués des problèmes de la banque et de la crise financière.
Doivent-il suivre la tendance du marché et annoncer à la Britische Bankers Association des taux Libor plus élevés, détériorant en cela les conditions de refinancement de la banque? Ou doivent-ils suivre les consignes d'en haut et continuer d'annoncer des taux bas?
Dans un premier temps, la banque ne change pas sa pratique et continue d'annoncer des taux bas, constate la FSA. Ce n'est qu'après la diffusion d'un article du Wall Street Journal révélant une semaine plus tard que les banques annoncent des taux anormalement faibles qu''UBS corrige le tir. D'un coup, les taux Libor annoncés ont pris de la hauteur.
Un relevé pointilleux de la FSA montre qu'en 2008, les taux annoncés par UBS ont rarement été en ligne avec la réalité du marché. En plus d'un nombre incalculable d'arrangements verbaux, celle-ci a pointé plus de 2000 procès-verbaux écrits mentionnant des taux hors-marché.
La Finma a relevé le même phénomène. C'est à ce titre que l'autorité de surveillance suisse a prononcé la confiscation à UBS de 59 millions de francs de bénéfices indûment réalisés.
Opérations fictives
Plus graves sont les agissement de Thomas Hayes, récemment arrêté en Grande-Bretagne. Alors qu'il est responsable des produits dérivés sur intérêts au sein de la division banque d'investissement, il s'arrange avec d'autres banques et brokers pour organiser des «wash trades», soit des opérations fictives sans risques mais qui augmentent le volume des commissions.
Les intéressés communiquent via le système de «tchats» interne. Mais la FSA a mis la main sur des échanges téléphoniques enregistrés. Le 18 septembre 2008, Thomas Hayes tient un langage sans équivoque à un de ses amis travaillant pour un broker. «Si tu laisses inchangé le 6 (ndlr: le Libor à 6 mois), nous faisons ensemble une opération gigantesque... Je te paie 50'000 dollars, 100'000 dollars, ce que tu veux... Tu as ma parole».
Si Thomas Hayes est si généreux et persuasif, c'est que lui et son équipe sont actifs dans les dérivés sur taux d'intérêt: un déplacement du taux de référence d'un seul point de base, soit de 0,01%, suffit à assurer de jolis profits. Pas seulement pour la banque, mais aussi pour eux, via le système salarial où les bonus peuvent atteindre 2 à 5 fois le salaire annuel.
Conflits d’intérêts
Les autorités de surveillance «s'étonnent» dans leurs rapports qu'UBS ait laissé travailler les personnes définissant les taux du Libor à proximité de celles occupées aux produits dérivés sur intérêts. Elles observent en outre que les règlements internes d'alors ne mentionnaient en aucun endroit un risque de conflit d'intérêts.
Cette situation a permis à la filiale japonaise d'UBS de mener de véritables campagnes de manipulation, note la FSA. Dans les «tchats» échangés avec les autres banques et brokers impliqués revient souvent la désignation «Opération 6M». Celle-ci annonçait des efforts communs pour faire monter ou descendre le taux Libor à 6 mois sur le yen.
Le 9 juin, un courtier impliqué fait observer à Thomas Hayes, qui oeuvrait depuis le Japon, que les gens pourraient se poser des questions et le considérer comme suspect s'il laisse reculer fortement le 6M. Thomas Hayes lui répond de ne pas se faire de souci, dans la mesure où UBS allait annoncer, au compte-gouttes, un recul de 0,6% du taux Libor à 6 mois sur le yen au cours des prochaines semaines.(Newsnet)



Source: 24heures

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