vendredi 9 novembre 2012

La réforme du LIBOR apporte une transparence et une surveillance très attendues



Rhodri Preece

Directeur des politiques des marchés de capitaux du CFA Institute à Londres

Rhodri Preece is director of capital markets policy for CFA Institute based in London. He focuses on monitoring, interpreting, and analyzing the effects of public policies and related developments in regional capital market regulation and legislation. Mr. Preece also researches, develops, and promotes the positions of CFA Institute on capital markets issues with the media, standard setters, and regulators. Prior to joining CFA Institute, Mr. Preece worked as a manager at PricewaterhouseCoopers LLP where he specialized in investment funds and the financial services industry. Mr. Preece holds a Master of Science degree in economics and a Bachelor of Science degree in economics from the University of Southampton. Mr. Preece is a CFA charterholder and a member of the CFA Society of the UK’s Professional Standards and Market Practices Committee.


Depuis que Barclays a négocié avec les régulateurs britanniques et américains le paiement d’une amende dans le cadre de son implication dans la manipulation du taux interbancaire LIBOR (London Interbank Offered Rate) fin juin, les législateurs se sont employés à développer des initiatives en vue de réformer ce taux de référence essentiel, mais manifestement défaillant. Le rétablissement de la confiance du public et de l'intégrité des marchés financiers dépend en grande partie de la réussite de ces initiatives stratégiques.


La réforme du LIBOR - le taux interbancaire servant de référence pour fixer le prix de plus de 300.000 milliards de dollars de contrats financiers - était attendue depuis très longtemps, les premières accusations de manipulation remontant à plus de quatre ans. L'action limitée menée par les régulateurs jusqu'à aujourd'hui a non seulement nourri un sentiment d'injustice pour un bon nombre de parties prenantes, mais a également permis à un système imparfait, caractérisé par son opacité, ses contrôles inadaptés et une gouvernance faible, de se dégrader.

L'absence d'action de régulation au cours de la période écoulée s'explique en partie par les pouvoirs limités des régulateurs pour contrôler le LIBOR. Jusqu'à maintenant, le taux interbancaire était géré et supervisé par l'Association des Banquiers Britanniques (BBA, British Bankers Association), l'organisme professionnel. Il a par conséquent opéré en dehors du périmètre de la réglementation. Élargir ce périmètre est la première étape et la plus évidente pour  les régulateurs.

Le rapport Wheatley sur la réforme du LIBOR, mandaté par le gouvernement britannique et publié fin septembre, préconise un remaniement important de cet indice de référence, afin notamment de combler le vide réglementaire. Selon les recommandations de ce rapport, la soumission des taux pour établir le LIBOR et sa gestion seront régulées par la Financial Services Authority (qui sera remplacée l'année prochaine par la Financial Conduct Authority). Le régulateur aura le pouvoir de prendre des sanctions pénales le cas échéant. Ces efforts seront complétés au niveau européen car le Parlement a actualisé la législation européenne sur les abus de marché en définissant explicitement la manipulation (réelle ou tentée) des taux de référence comme une forme d'abus de marché. Une surveillance formelle par le régulateur, assortie notamment de sanctions pénales applicables par ce même régulateur, devrait permettre de dissuader les abus de marché de manière plus crédible et d'aider à renforcer la protection des investisseurs et des consommateurs.

Le deuxième élément clé de la réforme est la définition de la méthode de calcul du LIBOR obérée par la subjectivité et le manque de transparence. Le calcul du LIBOR implique que les banques du panel soumettent les taux auxquels elles envisagent d’emprunter des fonds sans garantie pour une devise et une durée données. C'est la moyenne de ces soumissions (après avoir écarté les plus élevées et les plus faibles) qui détermine le LIBOR. Cependant, l'absence de standards régissant les soumissions de taux a permis aux banques d'introduire une part de jugement considérable dans leurs estimations. Une telle subjectivité est sujette aux abus, notamment lorsqu'elle s'accompagne de contrôles internes faibles ou lorsqu'il n'existe aucun pare-feu entre ces estimations de taux et les tables de négociation au sein des banques. Cette situation rend le système vulnérable aux manipulations.

Afin de pallier les défauts de ce mécanisme basé sur le jugement, le rapport Wheatley appelle à ce que les soumissions des banques liées à la fixation du LIBOR reposent sur des données de transaction réelles et sur un nouveau code de conduite en matière de soumission, afin d'établir des normes relatives au processus de fixation des taux. Ce code de conduite sera défini par un nouvel administrateur qui succèdera à l'Association des Banquiers Britanniques. D'autres mesures prévoient de limiter la constitution de cet indice aux seules devises et durées pour lesquelles il existe un marché sous-jacent liquide et d'encourager plus de banques à contribuer au processus de fixation du LIBOR, afin de réduire l'influence d'une seule banque sur le calcul de ce taux de référence.

Parmi toutes ces mesures, l'utilisation de données de transaction réelles pour déterminer le LIBOR est la plus efficace. À l'heure actuelle, lorsque l'on observe la stabilité du LIBOR par rapport à d'autres indicateurs du risque de crédit encouru par les banques, comme les credit default swaps, il semblerait que les taux LIBOR se soient quelque peu éloignés de la réalité des marchés. L'utilisation de données de transaction réelles pour fixer le LIBOR permettra de s'assurer que ce taux repose sur des données transparentes et objectives, permettant ainsi une meilleure visibilité pour les investisseurs et les régulateurs et minimisant par conséquent les risques de manipulation. Une plus grande transparence ainsi qu'un nouveau code de conduite sur la soumission des taux devraient également contribuer à atténuer les conflits d'intérêt au sein des banques.

Dans l'ensemble, les recommandations du rapport Wheatley ont été très bien accueillies. Un récent sondage du CFA Institute auprès de ses membres montre clairement que le LIBOR peut être amélioré grâce à l'utilisation de taux reposant sur des données de transaction réelles et une meilleure surveillance. Dans cette même enquête, les professionnels de l'investissement ont appelé à mettre en place au niveau international des principes de base et de meilleures pratiques afin d'encadrer les taux de référence utilisés à l'échelle mondiale. Pour ce faire, l'effort parallèle de l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) pour développer des normes internationales encadrant les taux d'intérêt de référence - une initiative co-présidée par Martin Wheatley du FSA britannique et Gary Gensler de la Commodity Futures Trading Commission aux Etats-Unis - est également le bienvenu.

Bien qu'ils aient été longs à venir, les efforts fournis par les législateurs en vue de réformer le LIBOR et les autres taux d'intérêt de référence sont encourageants. En combinaison avec l’importance grandissante donnée à des pratiques éthiques au sein des institutions financières et  la volonté de faire primer les intérêts des clients, ces mesures pourraient permettre d’entamer le long processus de restauration de la confiance et de l'intégrité sur nos marchés financiers.

Source: agefi

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