mercredi 2 juin 2010

Les années Messier sous la loupe du tribunal de Paris

L’ancien PDG de Vivendi Universal est jugé pour manipulation de cours et abus de biens sociaux.

Les liens qui unissent Jean-Marie Messier au groupe Vivendi Universal sont passés par les années fastes puis par les années de règlements de comptes. Ils les conduisent ensemble au tribunal. Le groupe est partie civile contre son ancien et célèbre PDG. Et le dossier judiciaire est une plongée dans le début des années 2000 quand l’euphorie du groupe de communication avait précédé des jours de crise tout aussi intenses.

Jean-Marie Messier, poursuivi en même temps que six autres prévenus, doit être jugé pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, manipulation de cours et abus de biens sociaux. Le dossier qui arrive ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris était né après une plainte, il y a huit ans, de l’association des petits porteurs actifs. L’ancien PDG de Vivendi Universal devra principalement répondre sur sa communication financière. L’enquête judiciaire a cruellement décrypté les discussions menées en coulisses quand le titre dévissait en Bourse. Il est par exemple reproché aux prévenus d’avoir, sur l’exercice financier de l’année 2000, largement sous-estimé la dette de la division médias.

Le patron-vedette
A cette période, Jean-Marie Messier qui avait massivement misé sur les télécommunications, notamment SFR, avait vu ses ambitions à court terme ruinées par la crise financière puis par les attentats du 11 septembre 2001. Pour colmater les brèches, la direction du groupe avait ordonné le rachat sur le marché de plus d’un milliard d’euros d’actions Vivendi dans le but de faire grimper artificiellement le titre. La manœuvre qui s’était déroulée à l’automne 2001 avait aussi suscité la curiosité de la Commission des opérations de Bourse (COB, aujourd’hui AMF). Les rapports d’analyse financière forment donc l’épine dorsale d’une enquête judiciaire qui a aussi su s’arrêter sur des éléments moins austères, à commencer par le volet des abus de bien social reprochés à Jean-Marie Messier.

«J2M» avait, à la suite de son départ en juillet 2002, bénéficié d’un chauffeur, d’une couverture maladie durant cinq ans et, selon la justice, d’une somme de 18.600.000 euros… Le patron-vedette n’avait en réalité pas reçu cette somme, y ayant renoncé à l’issue d’une procédure d’arbitrage à New York. Mais le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy, qui a décidé, contre l’avis du parquet, de renvoyer les prévenus devant le tribunal, a sévèrement jugé ce décalage entre le naufrage des comptes de Vivendi Universal et les conditions du départ de son PDG. Il s’agissait d’«avantages manifestement excessifs au regard de la situation à cette période de Vivendi Universal», a écrit le magistrat dans son ordonnance de renvoi.

Au cours de l’enquête, le décalage entre la santé financière de Vivendi Universal et les avantages octroyés à ses PDG a d’ailleurs occupé plusieurs tomes du dossier. Dans sa plainte, qui avait déclenché toute l’affaire, l’avocat des petits actionnaires, Me Frédérik-Karel Canoy, s’interrogeait sur l’utilisation par «J2M» et sa famille d’un appartement new-yorkais payé par le groupe. Sa curiosité visait aussi les vols à bord d’hélicoptères privés et d’avions payés par VU.

Jean-Marie Messier a été blanchi sur ce point. Mais, sur fond de bisbilles internes avec un ancien juge antiterroriste qui occupait alors les fonctions de responsable de la sécurité de Vivendi, c’est Jean-René Fourtou, successeur de «J2M» à la tête du groupe, qui a un temps été inquiété. Une enquête avait été ouverte sur ses week-ends en jets privés avant d’être classée sans suite, après remboursement des sommes litigieuses. L’épisode est clos pour la justice. Il pourrait ressurgir au cours du procès parisien si le ton monte à nouveau entre Jean-Marie Messier et son ancien groupe.

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