mardi 1 juin 2010

Il accuse Jean-Marie Messier... et Nicolas Sarkozy - Par Olivier Levard, le 01 juin 2009 à 15h48, mis à jour le 01 juin 2010 à 16:21 Interview - Maître Frédérik-Karel Canoy, avocat de petits porteurs contre l'ancien patron de Vivendi jugé mercredi, dénonce sur TF1 News des pressions politiques.


Maître Frédérik-Karel Canoy, avocat de petits porteurs contre Jean-Marie Messier (2006)Maître Frédérik-Karel Canoy, avocat de petits porteurs contre Jean-Marie Messier (2006) © AFP
rès de huit ans après son départ forcé de la présidence de Vivendi Universal (VU), Jean-Marie Messier espère solder ses compter avec la justice lors du procès qui s'ouvre mercredi à Paris pour des malversations présumées au sein du groupe de médias et communication. A 53 ans, il comparaîtra aux côtés de cinq anciens hauts responsables de VU et un cadre d'établissement financier. Parmi eux, soupçonné de délit d'initié, l'homme d'affaires canadien Edgar Bronfman Jr, héritier d'une des plus célèbres dynasties industrielles de son pays, le groupe Seagram, absorbé en 2000 par Vivendi.

A cette époque, tout réussit à Jean-Marie Messier qui multiplie cessions et acquisitions pour transformer la ronronnante Générale des Eaux en empire mondial de la communication. Mais en juillet 2002, le mythe s'écroule: malgré une communication euphorique de son PDG, les marchés découvrent que VU est assommé par une dette de 35 milliards d'euros. Son cours chute brutalement. Jean-Marie Messier démissionne. Le scandale de l'entreprise américaine Enron, acculée à la faillite en décembre 2001 après une fraude comptable massive, est dans toutes les têtes. En colère, les petits porteurs portent plainte tous azimuts, en France et aux Etats-Unis.

Blanchi aux USA

En janvier dernier, dans le volet américain de la procédure, Jean-Marie Messier a été blanchi de tout soupçon. Au terme d'une instruction fleuve, on est aujourd'hui très loin d'un "Enron à la française", affirme sereinement l'avocat de Jean-Marie Messier, Me Pierre Haïk. "Tout au long de l'enquête, les comptes de Vivendiont été épluchés et pas un expert n'a pu pointer la moindre fraude", rappelle-t-il. Seuls les chefs d'accusation de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de manipulations de cours et d'abus de biens sociaux ont été retenus contre Jean-Marie Messier. L'ancienne star du CAC 40 revient de loin: les juges ont abandonné plus de la moitié des faits initialement reprochés au prévenu.

En juin 2005, la cour d'appel de Paris avait divisé par deux l'amende d'un million d'euros infligée quelques mois plus tôt à l'ancien PDG par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour sa communication triomphale infondée. Dans la foulée de ces décisions, sa défense espère obtenir la relaxe devant la 11e chambre du TGI de Paris où le procès est prévu jusqu'au 25 juin. Fait rare, elle n'aura pas à batailler avec l'accusation: le parquet avait requis dans ce dossier un non-lieu général pour l'ensemble des faits et des prévenus.

Mais les petits actionnaires, à l'origine de la procédure, comptent faire entendre leur voix représenté par Maître Frédérik-Karel Canoy qui dénonce sur TF1 News des pressions politiques et revient sur les griefs de ses clients contre Jean-Marie Messier.

TF1 News : Que reprochent vos clients à Jean-Marie Messier ? 

Maître Frédérik-Karel Canoy, : Ils lui reprochent le fait d'avoir diffusé pendant six ans des informations mensongères sur la situation financière de Vivendi, que ce soit sur le niveau de trésorerie ou d'endettement.

TF1 News : Pourquoi parlez-vous de fraude. Ne s'agit-il pas plutôt d'un simple mensonge?

F. C. : Vous plaisantez, depuis 1996, il y a eu des irrégularités comptables. Le bilan ne reflétait pas la sincérité des comptes. C'est un délit, pas une simple erreur de gestion ! Le but était de faire croire que l'action était solide. Quand on dit devant les journalistes : "cela va mieux que bien", alors qu'il y a un endettement de 30 milliards c'est plus qu'un mensonge. Il y a eu une véritable propagande, un système sophistiqué. Monsieur Messier utilisait des termes comme le "cashflow" qui n'existent pas juridiquement. Face à cette bouillie financière, les spécialistes n'osaient pas révéler leur ignorance.

TF1 News : Quel a été l'impact financier pour vos clients?

F. C. : Nos clients ont perdu 160 euros par actions. De 170 euros à son summum, l'action a chuté autour de 8 euros en 2002. Nous espérons donc une indemnisation plus que symbolique.

TF1 News : A l'époque, celle de l'explosion de la bulle Internet, il y a eu de nombreux effondrements boursiers...

F. C. : Ça n'est pas un argument sérieux, car, l'activité de Vivendi, c'était surtout l'eau et les médias. Pas seulement Internet.

TF1 News : Jean-Marie Messier a renoncé a son golden parachute. N'était-ce pas le plus important?

F. C. : Il raconte partout qu'il a renoncé à son parachute. Je dis que c'est faux ! Je peux vous affirmer que Daniel Bouton (NDLR : l'ancien PDG de la Société Générale) le lui a donné.

TF1 News : C'est-à-dire, sous quelle forme ?

F. C. : Demandez-lui comment ! Je le ferai au procès.

TF1 News : Le procureur a pourtant requis un non-lieu...

F. C. : C'est parce qu'il y a eu des interventions politiques, des pressions sur le parquet.

TF1 News : C'est-à-dire. De qui ?

F. C. : De Nicolas Sarkozy, dont le cabinet défendait à l'époque la Compagnie Générale des Eaux puis Vivendipour les affaires immobilières. Lui qui a été comparé à Bernard Madoff ce week-end va maintenant passer pour un Jean-Marie Messier...

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