Les neuf jurés ont donc conclu à la faute par imprudence, estimant que les anciens dirigeants du groupe, l’ex-PDG, Jean-Marie Messier, et le directeur financier, Guillaume Hannezo, qui étaient également poursuivis, n’étaient pas responsables. Le montant des dommages et intérêts que Vivendi devra verser aux plaignants dépendra du nombre de réclamations déposées par des actionnaires. Selon leurs avocats, il pourrait s’élever à 6,6 milliards d’euros dans le cas où 100% d’entre eux revendiqueraient leur part du gâteau, soit la moitié de ce qu’ils avaient estimé au départ. L’avocat de Vivendi, Paul Saunders, a immédiatement annoncé qu’il allait faire appel, et qu’il entendait «gagner». «Nous sommes satisfaits que les dommages [fixés par les jurés] représentent la moitié de ce que réclamaient les plaignants. De ce côté-là, c’est une victoire partielle», a-t-il déclaré à sa sortie du tribunal.
consigne. Aux yeux des plaignants, ce verdict est une vraie victoire. «La justice américaine valide ainsi le jugement rendu en 2004 par l’Autorité des marchés financiers [AMF, ndlr], confirmé à deux reprises par la Cour d’appel de Paris», a affirmé à Libération l’avocat des plaignants français, Maxime Delespaul. Vivendi Universal et son ancien PDG, Jean-Marie Messier, avaient été condamnés par l’AMF à une amende de 500 000 euros pour avoir mal informé le marché et les actionnaires entre 2000 et 2002.
Par ailleurs, en 2008, à l’issue d’une transaction aux Etats-Unis avec la Commission des opérations de Bourse (SEC), le groupe avait dû verser 48 millions de dollars (environ 35 000 euros) à 12 000 actionnaires dans seize pays. Deux informations que les avocats de ce procès à New York avaient pour consigne de ne jamais communiquer au jury populaire américain, afin de ne pas l’influencer. Une prudence du juge Holwell qui n’aura toutefois pas empêché les neuf jurés new-yorkais de conclure en faveur des plaignants.
Ils ont estimé que le groupe avait délibérément menti pour cacher la réalité financière et économique aux actionnaires entre octobre 2000 et août 2002, au lendemain des fusions avec Seagram et Canal +. L’argument de la défense selon lequel les prévenus ont sans cesse tenu le marché informé, n’hésitant pas à lui montrer la société sous un «bon, mauvais ou terrible» jour, n’aura donc pas convaincu. Selon les plaignants Vivendi n’a cessé, pendant deux ans, d’annoncer des bénéfices et des recettes florissants, et de se présenter comme une entreprise générant assez de liquidités pour honorer ses dettes (21 milliards de dollars), alors même qu’elle traversait une grave crise de liquidités qui l’a presque menée à la faillite.
«Homme bon». Grand sentiment de victoire aussi pour Jean-Marie Messier. Lors de son témoignage, «J6M» - «Jean-Marie Messier moi-même maître du monde», trouvaille des Guignols de l’info - avait reconnu et regretté ses «erreurs», tout en refusant d’admettre la moindre fraude. «Ce dont je parle, ce sont des erreurs liées à la stratégie du groupe. Avec le recul, certaines de mes décisions de gestion, que je pensais bonnes à l’époque, se sont révélées erronées ou ont eu des conséquences imprévues», avait-il insisté. Blanchi donc l’ancien élève de Polytechnique et de l’ENA. Idem pour son ancien directeur financier, Guillaume Hannezo. La plaidoirie de son avocat, Martin Perschetz, dévoilant un «homme bon» et «sans aucun contrôle» de la situation, aura donc été payante. Ses fameux mails, notes manuscrites et mémos envoyés à Jean-Marie Messier - comme autant de SOS pour le prier «de grâce !» de «ne pas terminer dans la honte» - auront fini par sortir Hannezo d’affaire.
Une fois innocentés, Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo n’ont a priori plus aucune raison de vouloir se joindre à la procédure d’appel que Vivendi souhaite lancer. Ce serait prendre le risque d’un verdict bien moins favorable. D’autant que dans le cas d’un procès en appel, le sort des prévenus se retrouve cette fois entre les mains de juges professionnels.
Autre avocat de petits porteurs, Me Frédérik-Karel Canoy voit un intérêt à la condamnation de la personne morale à la place des anciens dirigeants : «C’est plutôt une bonne chose, car Vivendi est plus solvable que Messier ou Hannezo.»
source: Par Alexandra Geneste Correspondante à New York - libération
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