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L'action collective (class action) intentée par les minoritaires de Vivendi
contre le groupe et Jean-Marie Messier a récemment débuté à Manhattan (New York). Face à la fronde des actionnaires, qui reprochent au géant du divertissement et à son ancien dirigeant d'avoir dissimulé la situation réelle de la société entre fin 2000 et l'été 2002, les accusés ont opté pour une défense solidaire. Le bruit provoqué par la plainte de Maître Frédérik-Karel Canoy (surnommé le "Columbo du petit porteur"), déposée pour le compte d'un modeste investisseur français qui a vu son placement dans Vivendi fondre de 90%, est à l'origine de la class action aux Etats-Unis. Porte-drapeau des plaignants en France, il revient sur les enjeux du litige.
Capital.fr : Qu'est-il reproché à Vivendi, son ex-PDG Jean-Marie Messier et l'ancien directeur financier Guillaume Hannezo ?
Maître Frédérik-Karel Canoy : Vivendi et les deux dirigeants ont fait preuve d'une communication financière trompeuse, faisant croire que le conglomérat allait "mieux que bien", selon les propres paroles de Jean-Marie Messier en mars 2002, alors que sa santé financière était des plus fragiles. On est vraiment passé très près de la faillite, alors que la société assurait générer suffisamment de liquidités pour honorer ses dettes. Dans les faits, le groupe a cumulé 37 milliards d'euros de pertes sur les exercices 2001 et 2002, tandis que l'endettement financier net ressortait à 35 milliards au 30 juin 2002, peu avant la démission de Jean-Marie Messier.
Capital.fr : Quel montant pourraient atteindre les dommages et intérêts ?
Maître Frédérik-Karel Canoy : La destruction de richesse a été massive pour les actionnaires de Vivendi, avec un cours de Bourse divisé par près de 5 entre l'automne 2000 et l'été 2002. Les informations trompeuses diffusées par le groupe expliquent une part importante de cette contre-performance, si bien que le préjudice subi représente potentiellement des dizaines de milliards de dollars. Le chiffre de 50 milliards de dommages et intérêts circule. Lors d'une procédure d'arbitrage lancée contre Jean-Marie Messier, la nouvelle direction l'avait même accusé d'avoir fait perdre plus de 100 milliards aux actionnaires. Le montant de dédommagements qui sera prononcé outre-Atlantique devrait cependant être plus élevé qu'en France. Aux Etats-Unis, les particuliers peuvent se joindre aux actions collectives même après le jugement.
Capital.fr : Combien de personnes auraient été lésées, dans l'affaire ?
Maître Frédérik-Karel Canoy : C'est difficile à estimer précisément, mais on peut juger qu'environ 670.000 personnes ont été abusées dans l'Hexagone. Hors de nos frontières, on peut tabler sur presque 300.000 personnes lésées. Il s'agit essentiellement d'investisseurs nord-américains et européens. En tout, on peut donc évaluer le nombre de victimes à près d'un million, un chiffre incluant 600 institutionnels, dont la Norges Bank [la Banque de Norvège, NDLR], qui a perdu un milliard de dollars.
Capital.fr : Concrètement, quels recours ont les victimes françaises, pour obtenir réparation ?
Maître Frédérik-Karel Canoy : Dans notre système judiciaire national, les personnes n'ont pas la possibilité de mettre en œuvre une action collective, comme en Amérique, mais ils peuvent initier une action individuelle regroupée. C'était le cas lors de l'affaire Sidel, où j'ai obtenu 10 euros d'indemnités par action pour les plaignants. Pour la procédure en cours, tout l'enjeu est de savoir si le verdict qui sera rendu à Manhattan sera applicable en France. En parallèle du procès aux Etats-Unis, notre procédure au civil à Paris suit son cours. Une audience est prévue le 5 janvier 2010, au Tribunal de grande instance. Il y a aussi une procédure pénale, dont on attend la décision sur un renvoi devant le Tribunal correctionnel. Aujourd'hui, mon avocat à New York déposera une plainte contre Vivendi, Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo au Southern Discrict Court, le tribunal fédéral où se déroule actuellement l'action collective.
Propos recueillis par Nicolas Gallant
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