jeudi 20 décembre 2012

LIBOR: UBS PAYE LE PRIX FORT



La banque suisse UBS a reconnu la fraude. Elle paiera une amende cumulée de 1,16 milliards d’euros pour avoir manipulé les taux interbancaires Libor.


Une amende colossale pour «célébrer» tristement son 150e anniversaire. Ce mercredi, la banque suisse UBS a accepté de débourser une amende de 1,4 milliard de francs suisses (1,16 milliard d'euros) pour régler une affaire de manipulation de taux d'intérêt qui courrait depuis plus de sept ans. Elle a admis – par le biais de sa filiale japonaise – avoir commis une fraude en manipulant les taux interbancaires Libor. Ces derniers servent de base à des milliers de milliards de dollars de transactions de par le monde et à toute une batterie de taux, allant des cartes de crédit à de complexes dérivés financiers.

 Les variations infimes de ces taux, calculés à partir des informations quotidiennes données par les banquiers, impliquent pour certains établissements des millions de bénéfices mais aussi, en contrepartie, des millions de pertes pour d'autres. Toute manipulation de ces taux, lorsqu'elle est révélée, peut ainsi être synonyme de procès multiples au civil. En juin dernier, la banque britannique Barclays avait dû payer une amende de 453 millions de dollars (362 millions d'euros) pour d’autres manipulations bancaires.

Dans le détail, UBS précise qu'elle versera 1,2 milliard de dollars au département de la Justice et à la Commodity Futures Trading Commission (CTFC) des Etats-Unis, 160 millions de livres à la Financial Services Authority (FSA) britannique et 59 millions de francs suisses, à partir de son bénéfice estimé, au régulateur suisse Finma. Selon la FSA, 45 personnes au moins ont participé aux manipulations de taux. «Nous regrettons profondément ce comportement incorrect et contraire à l'éthique. Aucun bénéfice financier ne saurait primer sur la réputation de notre groupe, et nous sommes fermement décidés à mener nos activités en toute intégrité», a déclaré le directeur général d'UBS Sergio Ermotti dans un communiqué.

Sur son site officiel, la banque suisse fait preuve de transparence quant à la fraude. Elle explique que oui, certains collaborateurs d’UBS ont bien «entrepris des démarches visant à manipuler les soumissions pour certains taux d’intérêt de référence, en vue de profiter des positions de négoce.» Ils ont agi «de connivence avec les collaborateurs d’autres banques et des courtiers en espèces pour influencer certains taux de référence, notamment le Yen Libor, en vue de profiter de leurs positions de négoce». «Certains employés» étaient «motivés par le désir d’éviter une image négative sur les marchés et dans les médias pendant la crise financière.», détaille aussi UBS. «Le conseil d’administration et moi-même ne tolérons en aucune manière tout comportement inapproprié et contraire à l'éthique de la part de nos collaborateurs. Nous apprécions la reconnaissance des autorités pour la qualité de notre enquête et notre coopération exceptionnelle et précieuse.», juge le président d’UBS, Axel Weber, pour qui la crédibilité de la banque «auprès des clients, des investisseurs et des collaborateurs est primordiale.»

DES PLAINTES EN FRANCE
L’amende que paiera UBS ne met pas fin aux scandales. En France, une enquête préliminaire a été ouverte, fin septembre, par le Parquet de Paris. Elle a été confiée à la Brigade financière. Ces investigations font suite à une plainte contre X déposée fin juillet par une actionnaire de la Société générale. Cette plainte ne cite pas seulement cet établissement mais l’ensemble des grandes banques internationales – Barclays, UBS, JP Morgan Chase, Crédit Suisse, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, HSBC etc.. – qui participent, chaque jour, au calcul du Libor et ont des activités en France.

Défendue par Me Frederik-Karel Canoy, le défenseur des petits porteurs, la plaignante relevait que le Libor, et par extension son homologue européen l’Euribor, affecte une infinité de marchés et produits financiers qui alimentent l’économie réelle et que «sa manipulation a eu pour conséquence de causer de nombreux préjudices». Elle observait que le Libor et l’Euribor «influencent les taux pratiqués notamment dans le cadre des prêts accordés aux particuliers et aux entreprises». Et qu’au total «près de 350 000 milliards de produits financiers» dans le monde étaient concernés par la manipulation. Pour Me Canoy, qui représentait déjà des actionnaires de la Société Générale lors du procès Kerviel: «Le Libor, c’est le cœur de la finance mondiale. Que les plus grands établissements bancaires de la planète soient soupçonnés de s’être entendus, pendant plusieurs années, pour manipuler un taux de référence si important, est d’une exceptionnelle gravité. Toute la lumière doit être faite sur ce scandale, qui a des ramifications dans le monde entier.»

D’autres procédures sont en cours. A Londres, une enquête pénale a été ouverte par le Serious Fraud Office (SFO), l’office anglais de lutte contre la grande délinquance financière. Des investigations sont aussi lancées au Canada et à Singapour. Aux Etats-Unis, une quinzaine de grandes banques mondiales, parmi lesquelles la Société générale, ont été citées à comparaître par les états de New York et du Connecticut. En outre, près d’une vingtaine de «class actions» (plaintes collectives) ou de plaintes individuelles sont en cours d’examen devant les tribunaux américains, de la part de collectivités locales, l’investisseurs et même de particuliers. En payant le prix fort et en plaidant coupable, la banque suisse UBS a peut-être pris de l’avance sur la concurrence…


Source: Yannick Vely avec François Labrouillère et David Le Bailly - Parismatch.com

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