LE CERCLE. Après la première ‘prune’ de £ 260 millions reçue au titre de mauvaises pratiques quant au LIBOR, le retour à la normale s’annonce-t-il pour Barclays ?
C’est plus ou moins chaque jour que Barclays fait les titres, au moins à Londres, car la banque est engagée dans une transformation rythmée par les mauvaises nouvelles. Après le départ de Marcus Agius, Président du Board, de son directeur général Bob Diamond, et de Jerry del Missier, son adjoint opérationnel, Alison Carnwath, l’administratrice en charge du Comité des rémunérations, a démissionné fin juillet, peu après la révélation du chèque de départ perçu par del Missier ($ 13,6M). Sans doute s’agissait-il de la couleuvre de trop à avaler, après le bonus de Diamond au titre de 2011 auquel elle s’était opposée.
Puis c’est Chris Lucas, administrateur et directeur financier, qui est mis en cause avec trois autres cadres de Barclays par des investigations du Financial Services Authority (équivalent de l’ACP en France) et du Serious Fraud Office (l’équivalent du pôle financier du tribunal de Paris) sur des commissions versées (£100M) à Qatar Holdings en juin 2008. Il s’agit d’accords particuliers concomitants à l’investissement de Qatar Holdings dans le capital de Barclays (rendant le Qatar 1er actionnaire de la banque avec 6,65%) lors de levée de fonds de £ 4,5 milliards intervenue alors. On apprend le 1er septembre que les 3 autres « cadres » de Barclays incriminés comprennent John Varley, le directeur général de Barclays à l’époque de la levée de fonds, souvent considéré- jusque là - comme un candidat sérieux au poste de gouverneur de la Banque (d’Angleterre).
Fin octobre, lors de la parution des résultats du 3ème trimestre, Barclays doit partager deux mauvaises nouvelles aux Etats-Unis : le département de la justice et la FED, le régulateur des marchés financiers, annoncent des investigations pour examiner si certaines pratiques de Barclays pour gagner ou conserver des affaires sont compatibles avec la législation anti-corruption ; la commission fédérale de régulation de l’énergie (la FERC) se propose d’infliger une pénalité de $ 470 millions au titre de mauvaises pratiques sur le marché de l’électricité en Californie de 2006 à 2008.
Une nouvelle équipe
David Walker (Sir David), vétéran de la City, et Antony Jenkins, jusqu’ici responsable de l’activité ‘banque de détail’ de Barclays, prennent maintenant le ‘casque’, respectivement comme président et directeur général. Ils entendent rétablir la réputation de la banque. Que vont-ils faire de Barclays Capital ? Vont-ils « nettoyer les écuries », et mettre fin à l’écartèlement entre une banque d’affaires à la réputation agressive et une activité retail traditionnelle ?
Jenkins annonce une revue du catalogue de produits de la banque pour remettre en cause ceux qui ne sont pas convenables ; cela se traduit déjà par la décision de réduire de façon volontariste la taille de l’unité ‘structured capital markets’de Barclays Capital, chargée en fait de monter et proposer aux clients des montages d’optimisation fiscale, et celle de limiter les ventes de produits dérivés aux particuliers et aux PME. Compte tenu des évolutions de marché, de fortes réductions d’activités sont annoncées dans les activités ‘marchés actions’.
Une revue complète et indépendante des pratiques commerciales de la Banque est lancée sous la direction du juriste chevronné Anthony Salz. Les termes de référence de la revue ont été publiés ; elle doit notamment examiner les valeurs, les principes et standards de Barclays, identifier les points de faiblesse des procédures de la banque, préparer un nouveau Code de conduite interne, recommander les changements nécessaires à apporter aux procédures opérationnelles et managériales. Le rapport est attendu au printemp 2013. Le Conseil d’administration et le management ont annoncé leur intention de mettre en œuvre toutes ses recommandations.
De nouvelles provisions au titre d’autres mauvaises pratiques
Dans les comptes semestriels de juin 2012, la banque doit provisionner £ 450M sur les ventes abusives de swaps de taux aux PME britanniques, et aussi ajouter £ 300M aux £ 1000M déjà provisionnés quant aux ventes abusives d’assurance en couverture de prêts (PPI). En septembre, £ 700 millions de provisions supplémentaires sont constituées au titre des PPI, portant la facture à £ deux milliards. La banque classique de réseau – dont est issu Antony Jenkins, le nouveau patron - montre ainsi de sérieux dysfonctionnements…
Barclays fait également face à un contentieux fiscal sur l’utilisation à compte propre de deux montages d’ « évitement » fiscal (lors du rachat par Barclays en 2011 de dette propre, à l’origine de $1 milliard de profit, et dans le cadre de la prise en charge du coût fiscal pour Bob Diamond de son établissement à Londres). En février dernier, le Royaume a pris une mesure extraordinaire : la rectification rétroactive de la réglementation, directement causé par le comportement de Barclays, contraire à l’esprit, si ce n’est à la lettre, du Banking Code of Practise on Taxation. £ 500 millions seraient en jeu. Mais encore aucune nouvelle des autres volets de l’affaire LIBOR…
La pression du régulateur
En tout cas, le régulateur FSA, par l’intermédiaire de son président, Lord Turner, écrit dès le 6 septembre au nouveau président, Sir David – qui ne prend pourtant son poste qu’en novembre prochain : il lui rappelle que la banque demeure sous surveillance du FSA, et qu’il reste à mettre à niveau son conseil d’administration et sa culture. L’activité retail est aussi à réformer profondément, compte tenu que les systèmes de rémunération sont apparus comme des ‘pousse-au-crime’, par exemple en matière d’assurance des emprunteurs ou de ventes de dérivés aux PME.
Un nouveau management, une révision de la stratégie, une vision plus classique de la banque universelle à la française ( !), tout ceci ne mettra pas fin par enchantement à la mise à jour de scories du passé : les factures réglementaires à payer au titre de dysfonctionnements (Commissions Qatar, poursuite de l’affaire LIBOR, électricité de Californie, assurances de prêt, produits dérivés vendus aux PME…) qui sont loin d'être tous dus à la banque d'affaires ; le contentieux fiscal. La route sera longue et parsemée d’embuches pour Sir David et Mr Jenkins.
Source: Daniel Les echos
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