jeudi 26 novembre 2009

Me Frédérik-Karel Canoy : "Vivendi : la class action n'est peut-être pas la solution"

Par Ingrid Labuzan, 23 novembre 2009
Ingrid Labuzan A New York, se tient une class action contre Vivendi, pour diffusion de fausses informations financières entre 2000 et 2002, avant l'effondrement du cours. Explications de l'avocat Frédérik-Karel Canoy, qui représente des petits porteurs de l'époque, sur ce que cela implique pour les actionnaires français.
MoneyWeek Les détenteurs français d'actions Vivendi entre 2000 et 2002 sont-ils inclus dans la class action qui se tient en ce moment à New York ?
Me Frédérik-Karel Canoy.
Cette class action concerne les actionnaires de quatre nationalités – américaine, britannique, française et néerlandaise –, mais cela ne représente pas la totalité des actionnaires de l'époque. Ces personnes ont été victimes de la diffusion de fausses informations financières par Vivendi entre 2000 et 2002 – fait reconnu par la justice en France et par la SEC (équivalent de l'AMF) aux Etats-Unis.
A l'époque, l'action était à plus de 180 euros, puis a chuté à 8 euros en août 2002, pour ne jamais retrouver ses niveaux précédents, puisqu'elle cote aujourd'hui à environ 20 euros. Pour en revenir à la class action, les détenteurs de titres Vivendi des nationalités citées sont donc automatiquement inclus, à moins qu'ils aient fait savoir avant le 15 septembre 2009 qu'ils ne le souhaitaient pas. Or, justement, nombre d'entre eux n'ont pas eu connaissance de cette date limite et se retrouvent, malgré eux, pris dans cette procédure. J'estime que l'information concernant cette date limite n'a pas été suffisante, surtout que la class action est une procédure qui n'existe pas en France et avec laquelle les gens ne sont pas familiers.
Pourquoi une victime française ne souhaiterait-elle pas être incluse dans cette class action ?
Me F.-K. C. Une issue négociée est de plus en plus évoquée. Et le montant avancé pour une telle transaction est de 2 milliards de dollars. Or il y avait 1 milliard d'actions. Ce qui fait une somme de 2 $ par action. A cela, vous devez retrancher les frais d'avocat, qui, au total, s'élèvent à environ 50%.
Ce qui fait qu'il est possible que, dans le cadre de cette class action, les petits porteurs ne se retrouvent indemnisés qu'à hauteur de 1 $ par action. Or je viens juste de vous expliquer à quel point cette dernière a chuté depuis ses plushauts de l'époque. Que vaut 1 $ quand on a perdu 160 euros ? Ce à quoi s'ajoute une autre question, essentielle : celle de la possibilité ou non de cumuler les indemnités.
Les actionnaires français qui participent à cette class action ne pourraient plus, ensuite, participer à une procédure en France ?
Me F.-K. C. Si un actionnaire français est indemnisé aux Etats-Unis, il ne pourra sans doute pas cumuler les indemnisations, donc toucher quelque chose dans le cadre d'un procès français. Or je pense qu'il est possible que ces petits porteurs soient indemnisés beaucoup plus que 1$ par action. Je ne dis pas que c'est forcément de cette façon que se terminera le procès de New York, mais mon but est d'essayer de trouver le lieu et la procédure qui permettront à mes clients d'être indemnisés au mieux.
Ainsi, je mène une action individuelle en France, au nom de chacun de mes clients. Et je demande une réparation de 160 euros par action, plus 10 euros de préjudice moral, ainsi qu'un versement de 2 000 euros par client, au titre du remboursement des frais d'avocat. J'en profite pour signaler que dans les assurances habitation sont comprises des clauses d'assistance juridique, qui permettent de réaliser gratuitement toutes ces procédures. Je pense qu'il est indispensable d'avoir recours à un avocat, afin de parvenir à se désengager de la class action aux Etats-Unis, si on le souhaite, ou pour faire face à Vivendi si l'on reste dans la procédure, car le groupe a assigné en justice deux actionnaires individuels ainsi que l'Adam, une association qui les représente.
Pourquoi Vivendi cherche-t-il à se débarrasser des actionnaires français dans cette opération, s'il s'avère que le groupe pourrait être condamné plus sévèrement en France ?
Me F.-K. C. Vivendi panique. Nous assistons à ses derniers soubresauts, car la diffusion de fausses informations a été reconnue. Cependant, il est vrai que cette stratégie de la part de Vivendi est curieuse. Elle laisse à penser que le groupe préfère faire face à une procédure en France. Aurait-il reçu des assurances en France ? Sait-il à l'avance qu'il n'y serait pas trop fortement condamné ?
Propos recueillis par Ingrid Labuzan
Première parution le 22 octobre dans le MoneyWeek numéro 54

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