mardi 1 décembre 2009

L'AMF sous pression dans l'affaire EADS


Julie de la Brosse -  27/11/2009 18:55:00 
Benoît Tessier
 
L'AMF achève vendredi les auditions des 17 dirigeants d'EADS, l'une des affaires les plus sensibles qu'elle ait eu à traiter. L'occasion pour ses détracteurs de réaffirmer leurs critiques à l'égard de l'institution. L'Expansion.com fait le point.
La meilleure défense c'est l'attaque. Cette semaine, alors que se sont déroulées les auditions des 17 dirigeants d'EADS soupçonnés de délits d'initiés, leurs avocats ont pris le contre-pied de l'affaire en faisant eux-même le procès du gendarme boursier. Les critiques sont multiples. Défaut de procédure, enquête arbitraire, non respect des normes européennes... l'AMF n'échappera pas à la traditionnelle mise en cause qui accompagne chacune de ses procédures. A l'heure ou elle joue sa crédibilité dans l'une des affaires les plus sensibles qu'elle ait eu à traiter, retour sur les critiques formulées à l'encontre du gendarme boursier.

L'opacité de la phase d'enquête

C'est l'une des grandes critiques formulées par les avocats de la défense à l'égard de l'autorité administrative indépendante. Car au stade de l'enquête la procédure n'est pas encore contradictoire. A ce moment précis, les défenseurs des droits des parties ne savent pas ce que le dossier contient et ne peuvent donc pas corriger une erreur factuelle ou un problème de raisonnement. Ce n'est qu'une fois le dossiers transmis à la commission des sanctions que les avocats prennent connaissance des pièces du dossier. C'est donc parfois trop tard... et parfois insuffisant. En 2001 dans l'affaire Vivendi Universal, la COB (ancienne AMF) refuse d'ouvrir une enquête alors que les volumes rachetés sur le marché à des dates proches de la publication des résultats constituent au moins trois infractions. L'approbation, dans la discrétion la plus totale, des rachats massifs d'actions Vivendi par Jean-Marie Messier laisse alors une impression de malaise, notamment auprès des actionnaires minoritaires qui se sentent de plus en plus délaissés par l'institution. Le juge pénal ira perquisitionner les locaux de l'AMF en mars 2004, quand cette dernière se décide enfin à ouvrir une enquête.

Juge et partie

A la fois régulateur et censeur, l'AMF n'a jamais réussi à éteindre le feu des critiques. Certes la mission du régulateur est délicate. Entre son devoir d'édicter les règes pour la protection de l'épargne, le bon fonctionnement des marchés et celui de sanctionner les dérapages, l'AMF doit faire face à des objectifs parfois contradictoires. Il n'empêche. La réforme de 2003 qui devait séparer le collège et la commission des sanctions n'a pas permis d'étouffer ce reproche. Encore critiquée pour être trop proche du milieu des affaires, l'AMF doit parfois trancher des dossiers d'intérêt quasi-national et est soumise à de fortes pressions. Certains l'accusent donc de s'auto-censurer devant les puissants. A propos de l'affaire EADS, un bon connaisseur de l'institution témoigne au Nouvel Observateur. "cela relève déjà du miracle que l'AMF soit allée au bout de cette enquête. S'il n'y avait pas eu de telle pression de l'opinion, l'affaire aurait peut-être été étouffée". Parfois l'impartialité de l'AMF est mise en cause en raison de sa composition. A plusieurs reprises, le Conseil d'Etat a dû annuler des décisions de l'AMF au prétexte que des intéressés à l'affaire siégeaient au sein de la commission...

Trop indulgente pour les uns, trop sévère pour les autres...

Il y aussi ce sentiment récurrent que l'AMF sanctionne les faibles et exonère les puissants. La faute en revient notamment aux failles qui existent dans ses procédures de sanction. En limitant à 1,5 million d'euros le montant de l'amende qu'elle peut infliger pour fausse information à une entreprise et à ses dirigeants, quand le profit indu ne peut-être déterminé,  le législateur  a d'une certaine manière nui à l'équité : c'est une somme très lourde pour une PME, presque insignifiante pour un géant du CAC 40. Et finalement "ce sont les petites sociétés de gestion en fort développement qui sont le plus fréquemment sanctionnées par l'AMF, alors qu'elle devrait les aider", expliquait en 2006 à Valeurs Actuelles un proche de l'institution.
Le problème est d'autant plus délicat que l'AMF refuse encore de justifier juridiquement ses décisions. Une particularité qui a le don d'exaspérer les magistrats qui estiment que les décisions de l'AMF manquent de lisibilité. Du coup, ils n'hésitent pas à annuler ses décisions. Et à lui mener la vie dure. Dernière affaire en date, le TGI de Paris a récemment débouté le gendarme de la Bourse de son action en diffamation contre les auteurs du livre "les trucages de l'AMF pour protéger les administrateurs de Rhodia". Daniel Lebard et Ghislaine  Ottenheimer y expliquent comment le gendarme boursier a tout fait pour protéger Thierry Breton, ancien ministre de l'économie. Motif de la relaxe : "La liberté d'expression est d'autant plus grande lorsqu'il s'agit de dénoncer les dysfonctionnements d'une institution publique."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez vos impressions