Trop petits, les locaux de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Pour examiner enfin l’affaire EADS à partir d’aujourd’hui, l’AMF a loué une grande salle du palais Brongniart, ex-temple de la Bourse. Cinq jours d’audition à huis clos. Une vingtaine de personnes poursuivies pour délit d’initié, le double d’avocats, avec traduction en allemand. Ils risquent jusqu’à dix fois leurs gains boursiers. Mais l’affaire pourrait bien se dégonfler. Résumé de l’imbroglio.
Une vente massive. En mars 2006, 1 200 cadres d’EADS exercent leurs stocks-options, peu après la publication d’un bénéfice annuel record. L’action est au plus haut (au-delà de 30 euros) alors qu’en interne la direction du constructeur évoque de possibles retards de livraison de l’A380, futur géant des airs. L’effet massif s’explique par une spécificité d’EADS. Dans la plupart des boîtes cotées, les cadres bénéficiant de stock-options peuvent les lever à tout moment, sauf pendant les deux semaines précédant l’annonce d’un résultat. Chez EADS, c’est l’inverse : les stock-options ne peuvent être exercées que pendant les deux semaines suivant la publication des résultats. Une fenêtre dite «positive» de huit semaines par an, après feu vert du directeur financier. Il n’est donc pas étonnant que 1 200 cadres se soient précipités. L’enquête de l’AMF s’est concentrée sur 17 d’entre eux (plus trois personnes morales). Son rapporteur suggère de n’en sanctionner que sept.
Qui connaissait le retard ? Le 1er mars 2006, le comité exécutif d’EADS évoque, pour la première fois, un éventuel retard dans la chaîne de fabrication du futur gros porteur A380. «On en a parlé vingt minutes sur deux heures et demie», assure un responsable. Noël Forgeard, président d’EADS, avec sa rudesse habituelle, suggère à l’Allemand Gustav Humbert, président de la filiale Airbus, de se bouger au plus vite. Lequel, droit dans ses bottes, assure qu’il gère… Au conseil d’administration du 7 mars, la question est éludée. La chronologie est capitale. A partir de quand le retard a-t-il été subodoré, envisagé, avant d’être diagnostiqué irrattrapable ? «Dans l’aéronautique, plaide un avocat, on trouve toujours des motifs d’inquiétude sur les délais de livraison : il n’y a pas un ingénieur qui ne soit pas nerveux.» Un autre renchérit : «L’aéronautique est un monde de fou où on passe son temps à gérer les problèmes.» Pour leur défense, les dirigeants d’EADS refont le timing. Fin mars, ils envisagent un retard d’un mois ; gérable. En avril, ils estiment probable que seuls 24 avions sur 29 pourront être livrés en 2007. En mai, ils émettent un premier «profit warning». La Bourse ne réagit pas trop. En juin, nouvelle annonce de retard : l’action fond de 26%.
«Délit» ou «manquement» ? «Toute personne disposant d’une information privilégiée susceptible d’influencer le cours doit s’abstenir de l’utiliser en achetant ou vendant» des titres. C’est la définition pénale du délit d’initié. Elle suppose une intention préalable de frauder. Pas toujours facile à prouver. La défense d’EADS plaide que les premiers retards envisagés dès mars n’étaient pas «susceptibles d’influencer les cours». L’AMF, elle, évoque le «manquement d’initié». Pas besoin d’établir une intention malicieuse ou de démontrer que l’info privilégiée aurait un impact en Bourse. Il suffit de constater qu’un dirigeant dispose d’une info que n’ont pas d’autres actionnaires pour parler d’un «devoir d’abstention». Pour cet expert, l’AMF peut «condamner lourdement des gens de bonne foi».
Les personnes morales écartées. En avril 2006, Lagardère et Daimler, actionnaires de référence d’EADS, cèdent chacun 7,5 % de leurs titres avant que l’action ne s’effondre. Grosse culbute financière. Mais l’enquêteur principal de l’AMF suggère de ne pas les sanctionner. Parce que Lagardère avait annoncé son désir de retrait en décembre 2005. Bien avant le drame. «OK, on a vendu au bon moment, concède un avocat, mais parce que le gouvernement nous avait retardés de six mois», le temps de trouver un actionnaire public de remplacement. Ce sera la Caisse des dépôts, partie civile. EADS pourrait toutefois être sanctionné en tant que personne morale pour avoir tardé à informer le marché. Le rapporteur suggère une amende de 700 000 euros.
British Aerospace (BAE), autre actionnaire, souhaitait également se désengager d’EADS. Son PDG Mac Turner assiste à toutes les réunions où sont évoqués les retards. En mars, BAE exige 6 milliards d’euros, EADS ne lui en propose que 3,5. Si le retard était susceptible de faire chuter les cours, BAE aurait transigé au plus vite. L’anglais ne le fera qu’en juin, à 2,7 milliards… Une sacrée perte, qui rappelle cette profession de foi d’Arnaud Lagardère : «Je préfère passer pour imbécile que malhonnête.»
Une vente massive. En mars 2006, 1 200 cadres d’EADS exercent leurs stocks-options, peu après la publication d’un bénéfice annuel record. L’action est au plus haut (au-delà de 30 euros) alors qu’en interne la direction du constructeur évoque de possibles retards de livraison de l’A380, futur géant des airs. L’effet massif s’explique par une spécificité d’EADS. Dans la plupart des boîtes cotées, les cadres bénéficiant de stock-options peuvent les lever à tout moment, sauf pendant les deux semaines précédant l’annonce d’un résultat. Chez EADS, c’est l’inverse : les stock-options ne peuvent être exercées que pendant les deux semaines suivant la publication des résultats. Une fenêtre dite «positive» de huit semaines par an, après feu vert du directeur financier. Il n’est donc pas étonnant que 1 200 cadres se soient précipités. L’enquête de l’AMF s’est concentrée sur 17 d’entre eux (plus trois personnes morales). Son rapporteur suggère de n’en sanctionner que sept.
Qui connaissait le retard ? Le 1er mars 2006, le comité exécutif d’EADS évoque, pour la première fois, un éventuel retard dans la chaîne de fabrication du futur gros porteur A380. «On en a parlé vingt minutes sur deux heures et demie», assure un responsable. Noël Forgeard, président d’EADS, avec sa rudesse habituelle, suggère à l’Allemand Gustav Humbert, président de la filiale Airbus, de se bouger au plus vite. Lequel, droit dans ses bottes, assure qu’il gère… Au conseil d’administration du 7 mars, la question est éludée. La chronologie est capitale. A partir de quand le retard a-t-il été subodoré, envisagé, avant d’être diagnostiqué irrattrapable ? «Dans l’aéronautique, plaide un avocat, on trouve toujours des motifs d’inquiétude sur les délais de livraison : il n’y a pas un ingénieur qui ne soit pas nerveux.» Un autre renchérit : «L’aéronautique est un monde de fou où on passe son temps à gérer les problèmes.» Pour leur défense, les dirigeants d’EADS refont le timing. Fin mars, ils envisagent un retard d’un mois ; gérable. En avril, ils estiment probable que seuls 24 avions sur 29 pourront être livrés en 2007. En mai, ils émettent un premier «profit warning». La Bourse ne réagit pas trop. En juin, nouvelle annonce de retard : l’action fond de 26%.
«Délit» ou «manquement» ? «Toute personne disposant d’une information privilégiée susceptible d’influencer le cours doit s’abstenir de l’utiliser en achetant ou vendant» des titres. C’est la définition pénale du délit d’initié. Elle suppose une intention préalable de frauder. Pas toujours facile à prouver. La défense d’EADS plaide que les premiers retards envisagés dès mars n’étaient pas «susceptibles d’influencer les cours». L’AMF, elle, évoque le «manquement d’initié». Pas besoin d’établir une intention malicieuse ou de démontrer que l’info privilégiée aurait un impact en Bourse. Il suffit de constater qu’un dirigeant dispose d’une info que n’ont pas d’autres actionnaires pour parler d’un «devoir d’abstention». Pour cet expert, l’AMF peut «condamner lourdement des gens de bonne foi».
Les personnes morales écartées. En avril 2006, Lagardère et Daimler, actionnaires de référence d’EADS, cèdent chacun 7,5 % de leurs titres avant que l’action ne s’effondre. Grosse culbute financière. Mais l’enquêteur principal de l’AMF suggère de ne pas les sanctionner. Parce que Lagardère avait annoncé son désir de retrait en décembre 2005. Bien avant le drame. «OK, on a vendu au bon moment, concède un avocat, mais parce que le gouvernement nous avait retardés de six mois», le temps de trouver un actionnaire public de remplacement. Ce sera la Caisse des dépôts, partie civile. EADS pourrait toutefois être sanctionné en tant que personne morale pour avoir tardé à informer le marché. Le rapporteur suggère une amende de 700 000 euros.
British Aerospace (BAE), autre actionnaire, souhaitait également se désengager d’EADS. Son PDG Mac Turner assiste à toutes les réunions où sont évoqués les retards. En mars, BAE exige 6 milliards d’euros, EADS ne lui en propose que 3,5. Si le retard était susceptible de faire chuter les cours, BAE aurait transigé au plus vite. L’anglais ne le fera qu’en juin, à 2,7 milliards… Une sacrée perte, qui rappelle cette profession de foi d’Arnaud Lagardère : «Je préfère passer pour imbécile que malhonnête.»
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