L’Autorité des marchés financiers (AMF) joue gros dans l’affaire EADS. Longtemps soupçonné d’être fort avec les faibles et faible avec les forts, le gendarme de la Bourse compte se refaire une réputation sur les éventuels délits d’initiés commis en marge des retards de l’A380. Mais est-ce le bon cheval ? Le bon timing ? Mauvais présage : le mois dernier, l’AMF est renvoyée à ses vieux démons, sa gestion des affaires Rhodia et Vivendi.
Dans la première, elle se voit reprocher d’avoir tenté de protéger, en 2005, Thierry Breton, administrateur de Rhodia et futur ministre de l’Economie. D’où la fureur d’un ex-dirigeant de filiale, Daniel Lebard, qui juge avoir été manipulé et victime d’une combine permettant à Rhône-Poulenc, maison mère de Rhodia, d’externaliser quelques poubelles chimiques et comptables en vue de son mariage avec Hoechst. Lebard a donc publié un pamphlet avec une journaliste (1). «Rapport truqué, biaisé, factuellement faux […], l’AMF s’est livrée à une série de trucages, omissions, mensonges et autocensure […], enquête sabotée pour innocenter des patrons voyous.» L’AMF porte plainte en diffamation, mais Lebard est relaxé fin octobre. Motif : «La liberté d’expression est d’autant plus grande lorsqu’il s’agit de dénoncer les dysfonctionnements d’une institution publique.» Si le tribunal concède qu’il est «manifestement excessif d’employer le terme d’escroquerie, peu prudent d’employer les termes suggestifs tels que trucages, prestidigitation, imposture», il reconnaît à Lebard d’avoir levé quelques lièvres. «Le mensonge au marché n’est pas remis en cause par l’AMF, mais il résulte que les différences entre son prérapport et le rapport définitif vont dans le sens d’une atténuation des responsabilités de Rhodia», estime-t-il.
Humiliation. Second retour de bâton pour l’AMF, l’affaire Vivendi. Dans son ordonnance de renvoi en correctionnelle de Jean-Marie Messier, le 22 octobre (par ailleurs déjà en procès aux Etats-Unis, Libération de samedi), le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy multiplie les perfidies sur l’AMF, ou son ancêtre la COB (la Commission des opérations de Bourse). A propos des rachats de ses propres titres Vivendi, permettant à Messier de flamber en Bourse, il relève : «Le fait que la COB ait décidé de ne pas ouvrir une enquête en vue d’une possible sanction n’enlève pas aux rachats de titres leur caractère frauduleux.» Lors de la période post-11 septembre 2001, la COB avait temporairement autorisé les boîtes du CAC 40 à soutenir leurs cours, supposés victimes de déstabilisation islamo-financière. Sauf que Messier en avait fait des tonnes. Dans un courrier au président de la COB, il le «remercie tout particulièrement d’avoir décidé de ne pas sanctionner [leurs] dépassements». Un enquêteur annote à la main : «Il se fout un peu de nous.» Humiliation suprême, l’AMF sera perquisitionnée en mars 2004 par la justice pénale. Le «gendarme» de la Bourse se sent obligé d’ouvrir enfin une enquête sur les rachats de titres Vivendi, vite clôturée en mai 2005, au motif qu’il «n’existe pas de charges nouvelles» depuis son étouffement initial.
«Affaiblir». Un malheur n’arrivant jamais seul, le rapport Coulon sur la dépénalisation des affaires, envisage, à propos des délits d’initié, de rapprocher les procédures disciplinaires de l’AMF des procédures pénales du parquet. L’autoproclamé gendarme deviendrait supplétif des magistrats. Avant de rendre son tablier, Michel Prada, inamovible président de la COB puis de l’AMF (de 1994 à 2008), s’indignait : «Il ne faut pas affaiblir le régulateur du marché.» Son successeur, Jean-Pierre Jouyet, sanctionnera-t-il les dirigeants d’EADS pour redorer le blason bien terni de l’AMF ? Ou les blanchira-t-il, faute de preuves ? Tempête sous des crânes.
Dans la première, elle se voit reprocher d’avoir tenté de protéger, en 2005, Thierry Breton, administrateur de Rhodia et futur ministre de l’Economie. D’où la fureur d’un ex-dirigeant de filiale, Daniel Lebard, qui juge avoir été manipulé et victime d’une combine permettant à Rhône-Poulenc, maison mère de Rhodia, d’externaliser quelques poubelles chimiques et comptables en vue de son mariage avec Hoechst. Lebard a donc publié un pamphlet avec une journaliste (1). «Rapport truqué, biaisé, factuellement faux […], l’AMF s’est livrée à une série de trucages, omissions, mensonges et autocensure […], enquête sabotée pour innocenter des patrons voyous.» L’AMF porte plainte en diffamation, mais Lebard est relaxé fin octobre. Motif : «La liberté d’expression est d’autant plus grande lorsqu’il s’agit de dénoncer les dysfonctionnements d’une institution publique.» Si le tribunal concède qu’il est «manifestement excessif d’employer le terme d’escroquerie, peu prudent d’employer les termes suggestifs tels que trucages, prestidigitation, imposture», il reconnaît à Lebard d’avoir levé quelques lièvres. «Le mensonge au marché n’est pas remis en cause par l’AMF, mais il résulte que les différences entre son prérapport et le rapport définitif vont dans le sens d’une atténuation des responsabilités de Rhodia», estime-t-il.
Humiliation. Second retour de bâton pour l’AMF, l’affaire Vivendi. Dans son ordonnance de renvoi en correctionnelle de Jean-Marie Messier, le 22 octobre (par ailleurs déjà en procès aux Etats-Unis, Libération de samedi), le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy multiplie les perfidies sur l’AMF, ou son ancêtre la COB (la Commission des opérations de Bourse). A propos des rachats de ses propres titres Vivendi, permettant à Messier de flamber en Bourse, il relève : «Le fait que la COB ait décidé de ne pas ouvrir une enquête en vue d’une possible sanction n’enlève pas aux rachats de titres leur caractère frauduleux.» Lors de la période post-11 septembre 2001, la COB avait temporairement autorisé les boîtes du CAC 40 à soutenir leurs cours, supposés victimes de déstabilisation islamo-financière. Sauf que Messier en avait fait des tonnes. Dans un courrier au président de la COB, il le «remercie tout particulièrement d’avoir décidé de ne pas sanctionner [leurs] dépassements». Un enquêteur annote à la main : «Il se fout un peu de nous.» Humiliation suprême, l’AMF sera perquisitionnée en mars 2004 par la justice pénale. Le «gendarme» de la Bourse se sent obligé d’ouvrir enfin une enquête sur les rachats de titres Vivendi, vite clôturée en mai 2005, au motif qu’il «n’existe pas de charges nouvelles» depuis son étouffement initial.
«Affaiblir». Un malheur n’arrivant jamais seul, le rapport Coulon sur la dépénalisation des affaires, envisage, à propos des délits d’initié, de rapprocher les procédures disciplinaires de l’AMF des procédures pénales du parquet. L’autoproclamé gendarme deviendrait supplétif des magistrats. Avant de rendre son tablier, Michel Prada, inamovible président de la COB puis de l’AMF (de 1994 à 2008), s’indignait : «Il ne faut pas affaiblir le régulateur du marché.» Son successeur, Jean-Pierre Jouyet, sanctionnera-t-il les dirigeants d’EADS pour redorer le blason bien terni de l’AMF ? Ou les blanchira-t-il, faute de preuves ? Tempête sous des crânes.
(1) L’Affaire : l’histoire du plus grand scandale financier français(Seuil).
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