mardi 19 juin 2012

Procès Kerviel : "La Société Générale savait"

DECRYPTAGE Témoin clé, présenté par la défense de l'ex-trader, Philippe Houbé a livré ce jeudi son témoignage en faveur de Jérôme Kerviel. Le témoignage de Philippe Houbé en faveur de Jérôme Kerviel a-t-il fait basculé le procès de l’ex-trader, ce 14 juin, alors que le soleil brillait enfin sur le Palais de Justice de Paris ? Pas vraiment. Devrait-il tout de même semer le doute dans l’esprit des juges sur la version officielle – on n’a rien vu, rien entendu - donnée par la Société Générale ? Peut-être. Lorsque cet homme du back-office (ces obscurs administratifs qui ne font qu’enregistrer les opérations faites par les traders-rois, et vérifier que tout est en ordre) est entré dans la salle d’audience, tous les regards – la tribune des journalises était pleine et les bancs du public aussi -, se sont tournés vers lui. Mince, portant de larges lunettes, plutôt à l’aise sur cette scène qui ne lui est pourtant pas familière, il s’est d’abord perdu dans des considérations générales. Avant d’attaquer le dur. "Ce n’est pas le débouclage des positions de Jérôme Kerviel le plus important, explique-t-il, c’est ce qui s’est passé en 2007." Il égrène alors dans un silence quasi religieux les positions mensuelles du compte SF581 de Kerviel à la Fimat, filiale de courtage de la Société Générale, dont il était à l’époque patron du back office. Pour résumer, le compte a perdu 1,513 milliards d’euros sur le premier semestre 2007 et rapporté 3,058 milliards d’euros au second soit un résultat annuel de 1,545 milliards d’euros sur l’année. Les "petites bidouilles" de Kerviel "Ces relevés mensuels de comptes bancaires étaient envoyés au back office de la Société Générale et à toutes les parties concernées; dont le management. Comment prétendre alors que la banque ne savait pas ?" "La Cour répondra à cette question", indique Mireille Filippini, pas très ébranlée semble-t-il par le témoignage. Pour la Société Générale, c’est évident, ces relevés n’arrivaient qu’au back office, où les positions de Kerviel "étaient visibles mais n’ont pas été vues" comme l’avait déjà déclaré Claire Dumas, la représentante de la banque la semaine dernière. Philippe Houbé a ensuite qualifié les opérations fictives passées par Jérôme Kerviel de "petites bidouilles" qui étaient vues et connues de la hiérarchie du trader. "Mais chaque fois qu’il était repéré, il changeait de contrepartie", rappelle la présidente. Cela n’aurait du tromper personne selon Philippe Houbé. "Quelqu’un qui change de contrepartie en permanence attire forcément l’attention, a-t-il indiqué. Voyons, Madame, on n’est pas chez les enfants." Le bon sens d'un honnête homme qui séduit la salle On aurait beaucoup aimé assister à la confrontation entre Philippe Houbé et Maxime Khan, le trader star de la Société Générale qui a débouclé les positions de Jérôme Kerviel. Auditionné le matin, Maxime Khan a affirmé qu’il n’y avait pas eu de détérioration volontaire du compte de l’ex-trader. Ce que Houbé nie sur la base de mouvements recensés sur plusieurs comptes dont "le déboucleur" n’a pas parlé. Hélàs, faute de temps, la confrontation n’aura pas lieu. Elle aurait pourtant été, non seulement enrichissante sur le fond, mais aussi riche en symboles. Avec d’un côté le trader, 41 ans, qui a touché "plusieurs millions d’euros de bonus" en 2006 et habite avenue Matignon à Paris. De l’autre le salarié du back office, 57 ans, 41.000 euros bruts par mois, habitant à Cergy. "La Société Générale a beaucoup développé ses activités de marché, sans vraiment renforcer les fonctions administratives, a indiqué Houbé. C’est comme si on mettait un super moteur dans une voiture, en laissant des vieux pneus. Au premier virage, on part dans le mur." C’est finalement grâce à son bon sens d’honnête homme, que Philippe Houbé a emporté l’adhésion de la salle. "On va bientôt retomber au jardin d'enfant" Les chamailleries entre Jean Veil, avocat de la Société Générale et Frédéric-Karel Canoy , avocat d’actionnaires minoritaires, sont apparues d’autant plus idiotes. Irrité par une des ces boutades dont Veil à le secret, Frédéric Karel Canoy, très, très énervé, a fini par lui lancer "vous dormez pendant les audiences et vous faîtes des erreurs. Dire qu’on appelle cela un ténor !" Exaspérée, Mireille Filippini a suspendu l’audience pour que les esprits se calment. "La semaine dernière on était à la maternelle supérieure, cette semaine à la maternelle inférieure, bientôt on va retomber au jardin d’enfant", a-t-elle lancé en revenant. Rappelant aussi qu’on n’est pas là pour s’amuser. Jérôme Kerviel a du apprécié le rappel. Prochaine audience le lundi 18 juin Source: Challenges, Irène Inchauspé

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